Prologue

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Le chasseur

J'éprouve une aversion profonde pour cette pétasse.

Au-delà de son adresse, j'ignore pourtant tout d'elle. Seul le diable sait d'où elle vient et ce qui l'a poussée aux portes de ma ville. Mais je n'en ai rien à foutre de son passé.

Il n'y a que le présent qui compte.

En cet instant, je souhaiterais que la blondasse s'étouffe avec son Earl Grey, mais mes prières tombent dans l'oreille d'un sourd. Elle continue de siroter son thé en dressant son auriculaire chaque fois qu'elle apporte sa stupide tasse en porcelaine à ses lèvres délicates. Elle est assise en tailleur sur un espèce de canapé vintage, ce qui n'est qu'une façon polie de désigner l'horreur à fleurs qui accueille son cul de princesse.

Et pendant ce temps, son mec et ses chiens enlèvent et séquestrent les habitants de ma ville.

J'inspire un coup.

Elle pourrait repérer mon mégot qui flotte dans l'obscurité quand je tire dessus. Mais pour ça, il faudrait d'abord qu'elle regarde plus loin que sa bulle. Or elle est tellement absorbée par son univers douillet qu'elle ne perçoit pas la présence du mal qui rôde sous les fenêtres de sa bastide perdue dans la campagne.

Quel insouciant petit faon.

Je l'épie plus en détail, de sa peau à l'apparence soyeuse jusqu'à ses cheveux cendrés comme la lune. Leur longueur paraît idéale pour les enrouler autour de mon poing. Deux fois, peut-être trois.

J'esquisse un lent sourire quand j'imagine les cris qu'elle poussera à mon contact.

Ma proie lève brusquement la tête au plafond. C'est comme si un bruit avait retenti à l'étage, mais son visage ne trahit aucune crainte. Depuis le jardin, je n'entends rien d'autre que le son étouffé de la télévision.

Je sais que mon petit faon réside seul dans cette grande demeure. Son mec terrorise les citoyens de Bedford pendant qu'elle prospère en sécurité derrière ses clôtures de pierres et de ronces.

Je me demande si la peur l'envahira quand elle découvrira qu'un intrus a percé ses défenses. Appellera-t-elle son mec à l'aide ? Combien de larmes versera-t-elle dans l'espoir que je l'épargne ? Va-t-elle murmurer des prières à un Dieu qui s'évertue à les ignorer ?

J'avoue que l'idée fait bander le monstre en moi. C'est le moment que je préfère dans chacune de mes traques : jouer avec mes proies jusqu'à ce qu'elles se pissent dessus et me supplient de les achever. C'est pour ça qu'ils m'appellent le chasseur. J'instille l'effroi jusqu'au creux de leurs os avant de leur asséner le coup de grâce. C'est l'essence même de mon être.

De la même manière que son mec s'amuse à tourmenter des innocents, je veux qu'elle explore le sens du mot : « terreur ». Elle connaîtra les contours de ma foudre avant de connaître ceux de mon visage. Elle saura ce que ça fait de courir pour sa vie...

...et de la perdre de la plus épouvantable des façons.

RavagésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant