Ravagés

16. Le chasseur

Dr0ched In Sw0t – KAMAARA & Grim Salvo

— You're mine, we belong together, yes we belong together, for eternity...

Abattu par l'ennui, je laisse ma tête retomber en arrière. L'ampoule m'aveugle la rétine et ma prothèse commence à sérieusement m'irriter, alors je clos les paupières.

J'aimerais que ça suffise à me faire oublier où je suis, mais un cocktail nauséabond de moisissures et de poussières me garde ancré dans cette foutue cave.

— You're mine, your lips belong to me, yes they belong to only me, for eternity...

Je n'arrive pas à avaler qu'on me séquestre pour la deuxième fois de mon existence... dans la même putain de baraque que la première. Aujourd'hui, j'ai toutefois l'impression d'être en vacances all-inclusive comparé à l'époque. Tout est pire quand tu dors dans une mare de ton propre sang, l'estomac tordu par la faim et la terreur.

Là au moins, l'autre pétasse a eu la générosité de me vider les couilles.

Et parce qu'elle est un diable à peine déguisé, elle m'a aussi confisqué mes clopes... non pas que j'aurais pu m'en griller une. En voiture pour retrouver Madelyn hier, je me suis rendu compte qu'il me manquait mon briquet. Steven me l'a probablement subtilisé pour foutre le feu à ses merdes, ce sale con.

Je soupire.

Tout ce que je peux faire pour m'occuper, c'est dénombrer les fissures dans le plafond. Si j'en crois mon horloge interne, ça fait plusieurs heures que la blonde m'a abandonné ici. Cependant, elle ne s'est pas couchée de suite. J'ai entendu les escaliers principaux grincer à plusieurs reprises sous ses allées et venues, d'étranges bruits éclatant dans toute la maison.

Seul le Diable sait ce qu'elle branle là-haut.

Tout bien réfléchi, elle a probablement dansé comme une possédée au son de la musique qui résonne dans son esprit de timbrée. Je ne juge pas ; mon jukebox interne est complètement pété, lui aussi.

— You're my, my baby, and you'll always be, I sw...

Je me tais. Madelyn vient d'ouvrir la porte de la cave. Les vieilles marches en bois grincent sous ses pas lourds. J'ai même l'impression qu'elle est accompagnée...

Ah moins que...

Je me redresse, pas surpris le moins du monde lorsque le visage austère d'Isaac apparaît dans mon champ de vision. Derrière lui, la stature imposante de Tristan le talonne comme une ombre.

Et enfin, il y a Steven.

Ce dernier est facile à identifier : c'est le connard qui tient un briquet comme si c'était l'extension de sa main. Lorsque je l'ai rencontré, il se trimballait plutôt avec des gadgets explosifs, mais nous avons dû établir certaines limites pour des raisons évidentes.

— Putain, elle t'a bien eu !

Il braque son téléphone dans ma direction avec le même émerveillement qu'un ado qui visionne du porno pour la première fois.

— Prends une seule photo, et je me confectionne un collier avec tes tripes.

Après avoir rangé son téléphone, il me présente ses paumes en signe de reddition.

— Alors comme ça, tu te casses à Londres sans nous ? me provoque Isaac qui effectue un rapide contrôle de la cave.

— Qu'est-ce que tu fous la bite à l'air ? surenchérit Tristan en arquant un sourcil moqueur.

— Je l'aère. Quelle heure est-il ?

— Quatre heures trente. Elle vient à peine de s'endormir.

Je hoche la tête avant d'agiter les poignets pour me libérer de la corde. Elle tombe par terre sans la moindre résistance, et je me redresse pour sécuriser mon froc autour de mes hanches.