17. Petit faon

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Complicated – Avril Lavigne

Mélomanie. L'amour passionné pour la musique.

Je me réveille d'excellente humeur, et pour cause : je suis vivante, Caleb est enfermé dans ma cave et ses ombres n'ont pas réduit ma maison en cendres. C'est une petite victoire, mais une victoire quand même.

Pour la célébrer, rien de mieux que le rock.

Je dévale les escaliers en affichant un sourire décontracté et sautille jusqu'au tourne-disque, mais une odeur putride me ralentit dans mon élan.

Premier ordre du jour : enterrer le cadavre de mes gardes dans le potager... et trouver le moyen de me débarrasser de mon canapé souillé.

Deuxième ordre du jour : prendre une longue douche pour laver la crasse de ces dernières vingt-quatre heures et repartir à zéro.

Troisième ordre du jour : réveiller Caleb avec un baiser baveux.

Pour donner de l'énergie à ma matinée, je sélectionne un vinyle au hasard sur la plus basse étagère. Tout en dansant sur un air de guitare électrique, je bondis de fenêtre en fenêtre afin d'aérer la pièce à vivre. Finalement, quand je n'ai plus d'autres choix, je me penche sur ma première tâche.

Grâce aux directives que Rob m'aboyait à la gueule quand j'enterrais Léo, je sais exactement à quelle profondeur creuser le trou, même si je le fais plus large pour accueillir deux gros morceaux de viande.

Je commence avec Tobias. Son corps est anormalement rigide sous ma poigne, mais la relocalisation se passe bien... jusqu'à ce que nous heurtions un obstacle dans le jardin. Sa tête penche sur le côté et la couille coincée dans son globe oculaire gauche roule sur l'herbe humide.

Je dois invoquer toute la volonté d'un moine shaolin pour ne pas lui gerber mes tripes dessus.

Pour le second macchabée, je prends la brillante décision de l'enrouler dans le tapis du salon comme un burrito mexicain. Je le balance ensuite tel quel dans sa tombe rejoindre son petit-copain.

Et hop, terminé !

Ils voulaient m'asservir à leur bite, et les voilà désormais en train de bouffer des vers de terre à la source, deux noms rayés de ma liste avant même que j'aie eu le temps de les écrire.

Dans mon langage, on appelle ça une baffe cosmique.

Maintenant, pour la partie facile : reboucher le trou. En une heure, l'affaire est pliée et oubliée. Il ne reste du crime de Caleb qu'un canapé incrusté de sang que je brûlerai plus tard, ainsi que des marguerites fanées qui jonchent le sol çà et là.

Peut-être que dans la vraie vie, mon stalker est fleuriste.

Amusée par l'idée, je gravis les escaliers deux par deux et ricane toute seule dans ma salle de bain en songeant à la véritable identité de Caleb. J'ignore ce qu'il fait réellement pour gagner son pain, mais ça m'emplit d'une joie infinie de l'imaginer vendre des pâquerettes aux petites vieilles de Bedford en portant un tablier autour de la taille.

L'image continue de me faire rire pendant toute la durée de ma douche.

Ce n'est qu'après avoir vidé le ballon d'eau chaude que je m'enroule dans un peignoir. Il me paraît douillet comme un câlin maintenant que je sais qu'il appartenait à ma mère, S. C.

Spencer Campbell.

Ça me sidère qu'elle se soit tenue là où je me tiens aujourd'hui. Que voyait-elle quand elle se regardait dans le miroir ? Adressait-elle un sourire à son reflet ? Était-elle heureuse avant le décès de mon père ?

RavagésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant