We Belong Together – Ritchie Valens
— You're mine, we belong together, yes we belong together, for eternity...
Je m'arrête brusquement de fredonner. J'ai cru entendre un bruit retentir de l'étage, mais une minute passe et l'autre pétasse demeure sagement dans son lit.
Ça doit être le bois qui travaille.
— You're mine, your lips belong to me, yes they belong to only me, for eternity...
Ma voix rauque ne rend pas justice au chef-d'œuvre de Ritchie Valens, mais sa chanson a le don de m'aider à garder la tête froide et les yeux sur l'objectif, alors je continue.
— You're my, my baby, and you'll always be, I swear by everything that I own, you'll always be mine.
Avec précaution, je revisse le capot du détecteur de fumée, masquant ainsi la caméra que je viens d'installer. J'ai équipé presque tous les coins de la baraque de ces dispositifs, à l'exception des chambres de torture du rez-de-chaussée. Hors de question d'y foutre ne serait-ce qu'un orteil. Et je dois encore trouver le moyen d'éloigner la blonde assez longtemps de la sienne à l'étage pour y dissimuler ma dernière caméra.
En attendant, je termine mon œuvre et me grille une clope.
Le parfum de l'autre pute flotte dans l'air, très vite chassé par l'odeur de mon tabac cubain. Seule la lueur blafarde de la lune pénètre à travers les fenêtres. Elle dessine de longues ombres autour de moi, comme des doigts effilés cherchant à s'emparer de tout ce qui respire.
Tout en me promenant jusqu'au salon, je sors mon téléphone de ma poche et vérifie le bon fonctionnement de mes caméras. Grâce à ces bijoux, je pourrai surveiller chacun des mouvements de la blonde, même quand je serai loin. Cela me permettra de mieux comprendre qui elle est et ce qu'elle branle dans cette baraque.
Quatorze ans qu'elle est abandonnée, et pour de sacrées bonnes raisons.
Je m'arrête au niveau de la poutre qui sépare la cuisine de la pièce à vivre. De mon index, j'effleure le bois rugueux jusqu'à ce qu'il s'enfonce dans un trou minuscule. Les murs en sont criblés çà et là, les balles encore logées en leur sein. C'est une petite courtoisie de mes meilleurs potes lorsqu'ils brandissaient leur premier flingue pour sauver notre cul, à Daisy et à moi.
En repensant à mon amour de jeunesse, mon cœur se serre de douleur. Instinctivement, je caresse la marguerite tatouée sur mon torse. Mais, aussi souvent que j'ai fait ce geste au fil des ans, ça n'a jamais apaisé ni ma souffrance ni ma colère.
Et ça n'a jamais ramené Daisy d'entre les morts.
Manquant soudain d'air, je prends une dernière taffe de ma clope avant de l'éteindre dans le fond d'une tasse de thé laissée sur la table basse. Pour me changer les idées, je la débarrasse et la dépose dans l'évier.
La nana qui occupe les lieux est un véritable ouragan de chaos. Ses meubles sont orientés sans ordre logique dans le salon, des morceaux de vase brisés attrapent la poussière dans un coin, et des taches de peinture salissent le tapis.
Et parce que je suis un putain de maniaque, je réorganise la pièce et rassemble les fragments de vase pour les jeter dans un sac en plastique.
Je m'apprête à faire sa vaisselle lorsqu'un énorme fracas éclate soudain à l'étage. Il est immédiatement suivi d'un « merde » vociféré avec passion par une voix féminine. Cette fois, aucun doute : ce n'est pas le bois qui travaille, mais la tornade blonde qui se réveille.
Sans perdre un instant, je me fonds dans l'ombre du cellier où elle ne met que rarement les pieds. Je l'entends dévaler les marches avec une lourdeur qui trahit son irritabilité.
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Ravagés
Romance| 𝘿𝙖𝙧𝙠 𝙍𝙤𝙢𝙖𝙣𝙘𝙚 | Maddie n'a toujours souhaité qu'une chose: la liberté. Alors quand Rob l'enferme dans une maison au beau milieu de la campagne anglaise pour sa protection, elle en rêve plus que jamais, détestant se sentir comme un animal...