Ravagés

22. Caleb

Feelings in a wildfire – knasi kao

Je gare ma caisse dans le garage de l'immeuble tandis que Steven s'arrachent les cordes vocales sur un morceau de métal qu'il a lancé à la radio. Je m'empresse de couper le moteur, plus qu'heureux de lui faire fermer sa gueule.

— Hé ! C'était le refrain !

— Rien à foutre, pesté-je en agrippant le volant, va faire ta crise d'ado plus loin.

— Tu viens pas ? s'enquiert Tristan, le cul à moitié dehors.

— Non, j'ai besoin de deux minutes.

Il hoche la tête et claque la portière avant de suivre Steven dans les escaliers. Isaac reste en retrait et, par ma fenêtre encore ouverte, me balance :

— Libère-la, espèce d'imbécile fini. Elle est pas ton punching-ball.

Je l'enterre d'un regard noir. Indifférent à mon humeur de chien, il tapote le capot et me pointe de l'index, l'air de dire : « fais-le ! ». Lorsqu'il disparaît dans la cage d'escalier, je me laisse fondre contre mon fauteuil.

Enfin, un peu de quiétude.

Je ferme les paupières pour savourer le silence, qui n'est rien d'autre que le calme avant la tempête. J'inspire l'odeur d'essence, me préparant à affronter l'ouragan Madelyn.

Huit heures qu'elle est enfermée dans le cagibi. Avec un peu de chance, cela lui aura suffi à oublier le nom de Daisy. Le soleil s'est couché il y a peu sur la ville, et avec les mecs, on a eu le temps de mettre quelques affaires en ordre à l'entrepôt et d'infliger un premier interrogatoire à Billie.

Le con s'est pissé dessus, mais il a gardé sa langue dans sa poche... pour le moment.

Alors que je m'extirpe de ma caisse, je peux entendre Madelyn fredonner de l'autre côté de sa porte. Je plaque un instant mon front contre le battant pour chercher les bons mots. J'essaie de la dissocier de son frère, de me rappeler qu'elle fût sa victime tout comme je l'ai été. Par-dessus tout, je me dissuade de la tuer juste parce qu'elle est une insupportable fouineuse en ce qui concerne Daisy.

Bloquant ma respiration, j'ouvre la porte.

— Bonsoir, petit faon.

La blonde est assise dans un angle de la pièce, les bras croisés et les jambes repliées. Elle darde sur moi un regard orageux et réplique :

— Bonsoir, espèce d'enculé.

Tandis qu'elle se redresse, je prends note de sa bouche contractée, de son teint livide ainsi que de ses yeux plus arrondis qu'à l'accoutumée.

— Qu'est-ce que t'as ? On dirait que t'as croisé un fantôme et qu'il a insulté ta mère.

En entendant cela, la tornade blonde s'abat sur moi. Elle me frappe à la mâchoire et m'attrape par le col de mon sweat pour me plaquer contre la porte, et je la laisse faire.

— Espèce de connard de merde !

Désormais dans l'œil du cyclone, je ricane quand je constate qu'elle me menace avec un tournevis.

— Tu m'emprisonnes dans une pièce pendant des heures et t'as le culot de me demander ce que j'ai ?

— Ouais. Je dois te laisser ici pour la nuit ou tu vas enfin me foutre la paix ?

Elle plante son outil sous mon menton et susurre d'un ton machiavélique :

— Tu rigoles ou quoi ? Ça me donne juste envie de t'emmerder encore plus ! Qui est Daisy ?