Pour Elle

Chapitre 27 - Colson

Quand la voiture cesse enfin de tourner sur elle même, je retrouve mes esprits après avoir été étourdi par l'airbag. Mon premier réflexe est de demander à L.A. si elle va bien. Je me tourne vers elle en n'obtenant aucune réponse et mon sang se glace. Tout le côté droit de la voiture est enfoncé et a dévié l'airbag qui la comprime contre son siège. Je me débats avec ma ceinture en hurlant son nom. Quand j'arrive enfin à me détacher, je me rapproche d'elle en tapotant son visage mais toujours aucune réaction.  Les mains tremblantes j'arrive à sortir mon téléphone de ma poche pour appeler les secours. Les minutes d'attentes me paraissent interminables. On m'oblige à sortir pendant qu'ils la désincarcèrent. Je reste impuissant à les observer se battre avec la taule pour tenter de l'extraire sans dommage supplémentaire. Un médecin s'active autour de moi en me posant un milliard de questions auxquelles je ne réponds pas, trop hypnotisé par son corps inerte.

— Monsieur? Vous m'entendez? Monsieur?

— Hmm?

— Le conducteur de l'autre véhicule...

— Il n'y avait personne, j'ai regardé, il n'y avait personne...

Je répète ces mots en boucle, j'ai regardé, deux fois, la voie était libre, il n'y avait personne... et pourtant...

A l'hôpital je patiente dans la salle d'attente. Je n'ai qu'une coupure à l'arcade que le médecin a soigné sur place avec des strippes. Ironique quand on pense que L.A. vient de passer devant moi avec une équipe de soins intensifs, un tube enfoncé dans la gorge pour l'aider à respirer. Mes parents arrivent en premier, suivis de près par les Parks. Jenna babille en me voyant, j'avais tellement hâte de la revoir et maintenant ces retrouvailles ont une drôle de saveur. Son regard me rappelle tellement celui de sa maman que j'ai peur de ne plus jamais avoir l'occasion de le revoir. 

— Qu'est ce qui s'est passé?

Tout le monde me pose la même question, les médecins, les infirmières, ma famille, la famille Parks. Je n'en peux plus de répéter la même chose et me tends instantanément quand je vois la Police approcher. Après s'être présentés, ils me posent tout un tas de questions. D'où l'on venait, où nous allions, si j'ai bu, si j'ai pris de la drogue, à quelle vitesse je roulais, si j'ai regardé. 

— Oui putain, j'ai regardé! Deux fois, je hurle excédé alors que mon cœur s'emballe à chaque fois qu'une blouse blanche approche.

 Les Policiers me lancent un regard froid et je me rassieds de suite, les mains sur le visage. Je sursaute quand une main se pose sur mon épaule et suis surpris de découvrir que c'est l'un des deux agents.

— Le conducteur de l'autre véhicule roulait à plus de 150 km/h d'après les premières expertises, m'informe t il. 

— 150? Mais...

— Cette route est limitée à 50, oui, confirme t il. Je ne devrais pas vous dire ça mais... je comprends pourquoi vous n'avez rien vu. Une infirmière va venir vous faire un prélèvement sanguin, contrôle de routine pour les stupéfiants et l'alcoolémie. Bon courage pour votre femme, murmure t il avant de partir avec son collègue.

Ma femme... Mes larmes coulent malgré moi et je me fige quand un médecin s'approche enfin de moi.

— Vous êtes le conducteur du véhicule de Mlle Monroe?

— Oui c'est moi.

Je le vois gêné, et mon cerveau envisage déjà le pire alors qu'il me demande qui je suis par rapport à elle.

— Euh, je .. son.. petit ami, je réponds hésitant.

Il inspire à fond avant de m'annoncer que :

— Ses contacts d'urgence déclarés sont ses parents. Je les ai appelé mais... ils ne souhaitent pas venir ni être impliqués... C'est la première fois qu'une situation pareille se présente mais Mlle Monroe étant inconsciente, j'ai besoin de l'autorisation d'un proche.. 

— Je vous écoute.

— Mlle Monroe souffre de multiples fractures aux niveau des côtes et du sternum. Sa cage thoracique a été littéralement enfoncée par l'airbag et la carrosserie. Il faut l'opérer pour retirer les fragments d'os qui se sont logés près de ses poumons et qui l'empêchent de respirer correctement. On va procéder en deux étapes, d'abord on retire les fragments, ensuite on reconstruit son sternum avec des plaques. Cette chirurgie est lourde et invasive, elle comporte de nombreux risques mais c'est la seule façon de la soulager et de lui permettre de se rétablir. Elle sera ensuite plongée dans le coma pendant au moins deux semaines pour lui permettre de se remettre et pour soulager ses poumons en évitant les efforts de respiration spontanée. Est ce que vous comprenez?

— Si vous ne l'opérez pas elle meurt, c'est bien ça?

— Il y a de grande chose, oui. Les fragments d'os qui se promènent dans sa cage thoracique peuvent perforés un poumon ou son cœur à tout moment. 

— Ok faites ce qu'il faut Docteur.

— On la monte au bloc de suite, je reviens vous voir dès que j'ai terminé. 

Ma mère vient me prendre dans ses bras alors que je m'effondre. Les heures s'égrènent sans qu'on n'est aucune nouvelle. Quand Toby s'approche, je lui tends Jenna.

— Tu vas avec Papa chérie?

— Non, ne m'appelle pas comme ça s'il te plaît.

Je relève la tête vers lui sans comprendre. Il prend la petite qui se pose contre son cœur dans un câlin maladroit. 

— Pourtant c'est ce que tu es...

— J'ai compris ces dernières semaines ce qu'était vraiment un père... Le mien m'a avoué ne pas être mon père biologique. Ma mère était déjà enceinte quand ils se sont rencontrés. Pourtant, je n'aurais jamais soupçonné une seule seconde que je n'étais pas de lui. Finalement, il n'y a pas besoin de partager un ADN pour être père. Je partage l'ADN de Jenna mais je n'en suis pas un. J'ai essayé tu sais? Mais je n'y arrive pas, pas comme vous tous. Vous êtes en admiration devant elle comme si c'était la 8ème merveille de monde alors que je ne vois rien de plus qu'un bébé comme les autres. 

Il hausse les épaules en caressant les joues de la petite qui ne comprend pas la dureté de ses mots. 

— Je l'aime bien, tu vois? Mais ... c'est tout... Ce weekend, mes parents étaient fous de joie et moi je ne faisais que regarder ma montre en me demandant combien de temps il resterait avant votre retour. Je sais je suis horrible mais je ne veux pas de ce rôle. L.A. saura choisir l'homme qui aura le droit de porter ce nom. Et moi, je resterai dans les parages parce que je ne veux plus être un lâche. Tu me trouves sans doute horrible...

— Non, je te trouve très ... mature. Etre capable de se rendre compte en si peu de temps de ce que tu es capable ou non de faire, c'est, je pense, la plus belle preuve d'amour pour Jenna. Tu laisses ta place tout en restant pas loin parce qu'un jour elle aura des questions, je trouve ça .. bien. 

— Mes parents m'en veulent parce qu'ils ont peur que L.A. leur refuse leur rôle de grands parents, soupire t il.

— L.A. est plus intelligente que ça et tu le sais. Elle sera très heureuse que Jenna ait des grands parents attentionnés et aimants. Tout ira bien, je le rassure en tapotant son épaule. Pourquoi tu as menti au doyen?

— C'est Julia qui a pris les photos... tu as refusé ses avances et ça l'a rendu... irritable. Je l'ai contré pour cette fois mais va falloir être prudent jusqu'à la fin du semestre.

— Merci Toby!