Pour Elle

Chapitre 9 - Colson

Je bois une bière dans un bar avec Phil. La musique est forte et je maltraite l'étiquette de ma bouteille en silence.

— Tu comptes me dire ce qu'il ne va pas ou tu préfères faire souffrir cette pauvre bière?

— Ca va.

— Bien sûr! Depuis ton épisode "Gastro chez mon étudiante sexy" tu fais la gueule.

— Arrête de l'appeler comme ça, je gronde. Et je fais pas la gueule!

— Non, c'est vrai que tu es tout sourire ce soir. Allez, raconte. On peut se parler, non?

C'est vrai, Phil est mon meilleur et plus ancien ami et s'il y a bien quelqu'un à qui je peux me confier, c'est lui. 

— Elle m'évite comme la peste. J'ai essayé de lui parler après les cours mais elle part toujours comme une furie. 

 — Tu l'as appelé?

Je secoue la tête. 

— Tu veux quoi avec elle?

— Rien du tout. Je m'inquiète juste pour elles, c'est tout.

— Putain, s'exclame t il. Tu veux te la faire! Je rêve!

— Ferme là! Et dis pas n'importe quoi. Je ne veux pas coucher avec elle. Et ça fait 6 ans que tu me soules pour que je couche avec une de mes élèves et là tu trouves ça aberrant?! 

— Bah ouais mais justement, je sais que ça t'énerve parce que tu ne franchiras jamais ce pas! Mais là, clairement, on a passé un cap mec. Pis tu vas pas en rajeunissant, vous avez quoi? Dix piges d'écart, non?

 — Je ne veux pas coucher avec elle, je lui répète en insistant sur chaque mot.

— Tu pourrais au moins y mettre un peu de cœur quand tu le dis parce que là, même toi tu n'y crois pas. 

Je soupire, il a peut être raison, ou peut être pas. Je ne sais plus trop où j'en suis depuis quelques semaines! Cette fille me retourne le cerveau avec son bébé vaudou. 

— Je sais que tu rêves de fonder une famille et toutes ces conneries. Mais te jeter sur la première maman célibataire que tu croises, ce n'est franchement pas l'idée du siècle!

— Tu as sans doute raison ... Du coup, si je te dis que je veux l'inviter pour Thanksgiving, tu vas me dire que je suis timbré? 

— Oh, putain, tu es dans une belle merde, toi! 

A qui le dis tu! 

— J'ai de bons arguments tu sais.

— Autres que "je veux la baiser"?

— Arrête avec ça ou je dis à Carole que tu fantasmes sur elle.

— Tu n'oserais pas.

Son visage blêmit et je me marre de ma bêtise. Phil déteste tellement mon ex qu'il n'évoque plus une seule fois L.A. de la soirée de peur que je mette ma menace à exécution. 

Le lendemain, j'envoie un SMS à L.A. lui demandant de venir me voir à le fin du cours. Je n'obtiens aucune réponse et commence sincèrement à me demander si c'est un si bonne idée que ça. Quand elle entre dans ma salle, elle évite mon regard et n'ouvre pas une seule fois la bouche en deux heures. Je m'attends à ce qu'elle parte comme d'habitude mais cette fois elle prends son temps pour regrouper ses affaires. Une fois seuls, elle se décide enfin à se tourner vers moi. Son regard est fuyant et ses mains se nouent nerveusement.

— Comment tu vas? 

— Bien et toi? 

— Wahou. On passe de vomir ensemble à "ca va, oui et toi?".

Elle soupire et relève finalement la tête vers moi. Quelque chose a changé.

— Qu'est ce qui se passe L.A.? 

— Ce n'est pas important, murmure t elle.

— Si ça te rend malheureuse alors si ça l'est.

— Pourquoi tu fais ça? s'emporte t elle.

— De quoi tu parles?

— Tu es là à faire semblant de t'inquiéter pour moi alors qu'on ne s'est pas parlé depuis près de 3 semaines.

— C'est toi qui m'évite, je lui fais remarquer.

— Mais parce qu'on a rien à faire tous les deux, enfin!

— Il n'est pas interdit par le règlement de l'université de parler avec ses élèves! Je voulais juste savoir comment vous alliez, c'est tout! Et je ne fais pas semblant, je m'inquiète vraiment mais peu importe. Je ne te retiens pas. 

Je rejoints mon bureau et regroupe mes affaires à mon tour. Lorsque mon portable sonne je décroche sans faire attention à celui qui m'appelle.

— Colson, je suis tellement heureuse de t'entendre, roucoule Carole.

— Qu'est ce que tu veux Carole? C'est pas le moment, là!

— Excuse moi, je pensais que ça te ferait plaisir de me parler.

— Rappelle moi ce qu'on est tous les deux? Non, parce que j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi je devrais être heureux de t'entendre. 

— Pas la peine d'être désagréable. Je voulais juste savoir si tu venais me chercher ou si tu préférais qu'on se rejoigne directement là bas?

— Mais de quoi tu parles enfin?

— Laisse tomber, je vais me débrouiller. 

Elle raccroche et je reste interdis face à cette discussion sans queue ni tête. Quand je me tourne pour sortir, je constate que Lilly Anna n'a pas bougé. Des larmes perlent au coin de ses yeux et je me rapproche d'elle pour la serrer dans mes bras. Je ne devrais pas. Mais c'est plus fort que moi. Je ne supporte pas la détresse dans son regard. Surpris de constater qu'elle ne me repousse pas, elle s'agrippe même à mon pull. 

— Tu as le temps d'aller déjeuner? je lui propose.

Elle hoche la tête et me suis jusqu'à la cafétéria. Au moins, je sais qu'ici je ne risque pas de déraper. Son plateau ne comporte qu'une pomme et un yaourt. Ses joues sont creusées, elle a perdu du poids. Je lui tends mon sandwich.

— Il faut que tu manges Lilly Anna.

— Ca va, merci.

— Non, ça ne va pas. Tu as beau le répéter, je vois bien que tu n'es pas bien. Tu as maigri. Jenna t'empêche de dormir? 

Elle secoue la tête et sa lèvre tremble. Je meurs d'envie de prendre sa main, de la prendre dans mes bras, lui dire que tout ira bien, que je suis là et que je veillerai sur elles, mais je n'en fais rien, pas ici.