La petite Jenna commence à somnoler contre moi, je la berce en me dandinant de gauche à droite. J'ai surement l'air ridicule mais je m'en moque, j'adore les enfants, encore plus les bébés. Sa mère n'arrête pas de me jeter des regards en coin ce qui ne cesse de me faire sourire. Elles ont les mêmes yeux d'un vert si particulier.
Tout compte fait je me suis complétement fourvoyé. Lilly Anna n'est pas un fêtarde, juste une maman épuisée. Je me demande où est donc le père? Mais cela ne me regarde pas. Les larmes dans ses yeux quand je lui ai proposé de l'aider et la détresse quand tout le monde a commencé à s'intéresser à son bébé me font penser qu'elle n'est pas à l'aise avec son histoire et qu'elle a très peu de monde sur qui compter. C'est triste. Les premiers mois post partum sont terribles, alors les affronter seule avec des cours universitaires et potentiellement un travail, je n'ose imaginer.
Une fois la première heure passée, je passe aux corrections. Je réexplique chaque calculs, chaque résultats, chaque démonstrations. Je veuille à ne pas parler trop fort et invite ceux du fond à se rapprocher s'ils ne m'entendent pas. Hors de question de réveiller ce petit être qui ronfle comme un camionneur, un filet de bave sur le menton. Au top de sa féminité cette jeune fille, je me marre tout seul avant de me souvenir qu'un amphi plein à craquer me regarde. Je me racle la gorge et reprends mon cours en évitant de croiser les yeux de la jeune maman qui ne loupe pas un seul de mes gestes.
A la fin du cours, je garde Jenna avec moi jusqu'à ce que tous les élèves soient sortis. Une fois fait, je me déleste du bébé que je tends à sa mère avant d'enlever le porte bébé. La petite se réveille et commence à pleurer.
— Chuut bébé, on va aller manger. Merci beaucoup.
— Avec plaisir, on remet ça quand tu veux Jenna.
La petite s'énerve et hurle de plus en plus ce qui fait paniquer Lilly Anna. Je lui tends les bras et reprends la petit le temps qu'elle prépare son biberon.
— Dis donc petit monstre, c'est pas sympa d'être aussi impatiente, tu stresses Maman.
— Vous avez des enfants?
— Non. Mais j'ai une petite sœur de 15 ans ma cadette. Je m'en suis beaucoup occupé ado.
— Vous voulez lui donner?
Elle me tend le biberon les joues roses et j'accepte volontiers. Je m'installe sur une chaise à ses côtés et la petite morfale se jette sur la tétine avec avidité.
— Vous n'avez personne pour vous aider?
Elle met du temps à me répondre, cherchant ses mots.
— Mon amie Damia m'aide beaucoup, finit elle par avouer.
Pour la première fois, je la détaille vraiment. Son visage est fin et délicat, ses yeux d'un vert si intense qu'il me fait penser à un tapis de mousse en pleine forêt et ses cheveux blonds noués en chignon flou sur le dessus de son crâne. Elle est moins pâle que les premiers jours, mais elle ne me paraît pas en grande forme quand même.
— Vous prenez du fer?
— Non, je ... n'en n'ai pas besoin, conclut elle.
Je n'insiste pas. Jenna finit son biberon à une vitesse fulgurante et je la rends à sa Maman contre laquelle elle se love avec tendresse. Lilly Anna ferme les yeux savourant le contact avec sa fille. Elles sont belles toutes les deux. J'arrache un morceau de feuille, griffonne dessus et le lui tend.
— Qu'est ce que c'est? demande t elle surprise.
— Mon numéro. Si vous avez besoin d'aide, n'importe quand, n'hésitez pas.
— C'est gentil mais je n'en n'aurai pas ...
— Tu en auras besoin, je la coupe. S'occuper d'un enfant est déjà bien assez compliqué, quand en plus on doit le faire seul, il est inévitable qu'un jour ou l'autre tu es besoin d'aide.
Je me lève et m'apprête à sortir quand je me retourne et lui dis :
— Oh et félicitations. Elle est magnifique.
Ses joues s'empourprent instantanément. Evidemment, la petite est son portrait craché! Qu'est ce qui m'a pris de lui dire une chose pareil? Je sors avant de dire une autre ânerie.
Le lendemain matin, je dépose une boîte de complément en fer sur son bureau.
Dans les jours qui suivent, la tension entre elle et moi est palpable. Je l'évite comme la peste et elle s'empresse de sortir comme si elle avait le diable aux trousses.
Ce soir, c'est Halloween. Phil a réussi à me traîner dans une soirée déguisée ridicule. Lui s'amuse comme un fou et part à la chasse aux sorcières. Moi, j'attends dans un coin, une bière à la main.
— Salut beau gosse, on ne se connaît pas encore je crois?
— Salut.
Je détaille la jeune femme qui m'accoste et soupire dépité. Déguisée en Pamela Anderson dans Alerte à Malibu, elle en dévoile bien plus que l'actrice, ce que je pensais impossible mais elle bat des records!
— Tu as l'ai tendu, tu veux venir avec moi dans le jacuzzi?
Elle pose sa main sur mon torse et la descend avec une lenteur exagérée jusqu'à mon nombril où je l'arrête fermement.
— Ca va aller, merci.
Elle hausse un sourcil avant de jurer et me donner quelques noms d'oiseaux, charmant. Phil qui n'a rien loupé de la scène se précipite vers moi.
— Qu'est ce que tu fais? Tu as vu comme elle est .... dit il en mimant une poitrine énorme avec ses mains.
— Lâche moi, elle est nulle ta soirée. Je savais que je n'aurais pas dû venir.
Mon portable vibre, je regarde l'appel entrant d'un numéro inconnu. Je ne réponds pas. A peine de retour dans ma poche, qu'il vibre à nouveau, cette fois je décroche.
— Oui? j'aboie de mauvaise humeur.
— Euh .. M. Fields?
— Qui est ce?
— Lilly Anna Monroe.
— Oh ... Qu'est ce qu'il se passe?
Des pleurs me parviennent, je m'écarte de la foule pour mieux entendre. Une fois dans le jardin, je l'entends renifler.
— Elle ... elle arrête pas de pleurer et de vomir et elle ne veut rien manger. Je ... je sais pas quoi faire et je .. je ...
— Ok, calme toi. Tu habites où?
Elle me donne son adresse et je retrouve Phil pour lui expliquer que je pars.
— Attends, tu vas où?
— Je t'explique plus tard.
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Pour Elle
RomanceColson est heureux de cette prise de poste dans cette nouvelle université. C'était sans compter cette jeune femme aussi surprenante que mystérieuse. 6 ans qu'il s'efforce de maintenir une distance raisonnable entre lui et ses élèves mais qu'en sera...