Chapitre 18 - Le message

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Pendant ce temps, James faisait les cent pas dans le bureau de sa tante. Celle-ci le regardait s'agiter en silence, un pli soucieux barrant son front d'ordinaire si lisse. Elle se mordillait les lèvres en signe d'inquiétude, et relisait pour la quatrième fois la lettre qu'on venait de lui remettre :

Cher ami,

Permettez-moi de ne pas m'encombrer des formules de politesses habituelles, nous savons tous deux que ce genre de flatteries est bien inutile face au différend qui nous oppose. Aussi serai-je bref : remettez-nous cinquante kilogrammes de pierre, et nous nous tiendrons tranquilles. Je vous laisse jusqu'à ce soir à minuit pour vous décider. Sans réponse de votre part, nous nous verrons contraints d'agir.

Votre dévoué,

Oswald Ier, Roi de Borée


Ses doigts se crispèrent sous l'effet de la colère et elle froissa légèrement la lettre. Elle la reposa et leva les yeux vers James, qui continuait à arpenter la pièce. En recevant cette missive, le roi de Zéphyr était immédiatement parti à la rencontre de leur ennemi, accompagné d'une escorte lourdement armée. Mais la Reine ne devinait que trop bien l'issue de ce face-à-face : il refuserait de céder à leurs ennemis, et les tensions ne feraient que s'accroître.

« James, supplia sa tante en se massant les tempes d'un air fatigué. Cesse de t'agiter ainsi...

- C'est la troisième lettre qu'ils nous adressent ! s'emporta son neveu. Ils ne resteront pas sans agir plus longtemps. Il faut prendre des mesures plus radicales !

- Attendons le retour du roi avant de décider quoi que ce soit, protesta-t-elle. Il ne faut surtout pas empirer la situation...

- Pour leur permettre de s'organiser et de nous attaquer ? coupa James en faisant volte-face pour regarder sa tante droit dans les yeux. Il vaudrait mieux les prendre par surprise, nous aurions ainsi l'avantage ! »

Sa tante ne répondit rien, mais le regard ferme qu'elle posa sur le prince parla pour elle. Ce dernier se rembrunit et se tourna vers la fenêtre. Ses poings serrés et sa mâchoire contractée trahissaient la tension qui l'habitait. Derrière lui, il entendit sa tante replier la lettre et prononcer d'une voix calme :

« Attendons de voir comment se passent les négociations avec nos ennemis. D'ici là, ne parle à personne de cette affaire.

- Pas même à Alan ?

- Surtout pas à Alan. Laissons-le en dehors de tout cela. »

James haussa un sourcil en signe d'incompréhension, mais sa tante demeura inflexible et n'ajouta rien de plus. Le prince soupira. Hormis sa tante, il n'avait personne avec qui partager son appréhension. Il la vit se mordre les lèvres un court instant, puis elle reprit :

« De plus, Liana ne doit jamais plus rester seule à présent. Je vais faire en sorte qu'elle soit toujours accompagnée, que ce soit par Alan ou toi.

- Craignez-vous qu'elle soit attaquée ?

- C'est une possibilité. Nous ne pouvons pas non plus exclure l'hypothèse qu'elle soit dans le camp ennemi.

- C'est ridicule, son père est le comte de Jenkins, un homme qui travaille pour la famille royale depuis des générations ! Ni lui ni sa fille n'aurait un quelconque intérêt à nous trahir.

- En ces temps troublés, nous ne pouvons être sûr de rien. Mieux vaut être vigilant. »

James n'insista pas. Il avait du mal à croire que Liana puisse être une espionne à la solde du Royaume de Borée, même si cette idée l'avait déjà effleurée. Seulement, comment être certain de son innocence ? Il allait devoir redoubler de prudence à ses côtés et faire tout son possible pour sonder ses intentions. Il demanda donc :

« Qui est auprès d'elle en ce moment ?

- J'ai envoyé Alan pour la surveiller.

- Vous ne lui avez donné aucune explication ?

- Je lui ai seulement dit que, malgré notre garde, les abords de la demeure n'étaient pas sûrs. Avec l'approche des fiançailles, de nombreuses personnes vont venir dans les prochains jours, et nos ennemis n'auront aucun mal à se glisser parmi nous. Il fallait donc veiller sur Liana pour éviter toute situation dangereuse. »

James acquiesça. Il reconnaissait bien là sa tante, qui arrivait toujours à ses fins d'une manière ou d'une autre. Pourtant, il sentit un mauvais pressentiment s'emparer de lui. Il connaissait bien Alan, et son attirance pour Liana ne lui avait pas échappé. Il ignorait s'il s'agissait d'un amour sincère ou d'une technique pour taquiner son frère, mais il ne pouvait pas s'empêcher de penser que laisser ces deux personnes ensemble était une mauvaise idée.

Il soupira en songeant qu'il allait devoir expédier son travail au plus vite pour pouvoir surveiller Liana lui-même. Il n'aurait plus une minute à lui durant les jours à venir.

Pour quelques mots de plusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant