Liana traversa le couloir, ouvrit la grande porte, dévala les marches du perron et s'enfuit dans les jardins. Elle courait à en perdre haleine, ignorant les regards surpris des domestiques et des jardiniers qu'elle croisait, et continuait sa course folle.
Elle ne s'arrêta qu'une fois hors des jardins, et descendit dans la ville. Ses bottes claquaient sur les pavés et ses cheveux oscillaient dans son dos au rythme de sa course. Elle remonta l'avenue principale sans un regard pour les habitants autour d'elle. Les larmes ruisselaient sur ses joues et brouillaient sa vue.
Sans ralentir, elle traversa les champs de plantations, dépassa les fermes et continua de courir jusqu'à ce qu'un point de côté plus transperçant que les précédents ne l'oblige à ralentir. Elle s'accroupit, posa les mains sur ses genoux et tenta de reprendre son souffle. Elle devait fuir, coûte que coûte.
Elle s'en voulait d'avoir été aussi naïve en pensant pouvoir contrôler ce monde et ces personnages qu'elle avait créés. Mais elle devait se rendre à l'évidence : elle n'avait aucun pouvoir sur eux. Un sanglot plus fort que les autres la secoua et elle poussa un cri de rage. Elle s'agenouilla dans l'herbe humide et enfouit son visage dans ses bras.
Une seule option s'offrait à elle à présent : rentrer chez elle et affronter la déception de ses parents, puis retrouver un travail pour payer ses factures. Le rêve qui avait commencé quelques jours plus tôt s'était mué en un cauchemar dont elle devait absolument s'échapper. Elle ne pensait pas devoir rentrer chez elle aussi vite et cette perspective était terriblement douloureuse. Mais rester en compagnie de James risquait d'être pire que le retour à la vie réelle.
De deux maux, il faut choisir le moindre...
Elle se releva, résolue, et se remit en route d'un pas mécanique. Heureusement qu'Alan lui avait fait visiter le royaume. Elle savait qu'elle ne devait pas s'approcher du Royaume de Borée ; elle n'avait qu'à marcher jusqu'aux frontières du Royaume de Zéphyr, elle finirait bien par y trouver une sortie. Ce n'était peut-être pas la meilleure stratégie mais c'était bien moins dangereux que de rester au palais, surtout après les derniers mots qu'elle avait échangés avec James. Il devait être dans une colère noire à présent.
Elle ne pensait pas ce qu'elle lui avait dit. Bien sûr, être fiancée à Alan aurait été plus facile car il était plus agréable que son frère, mais elle ne ressentait aucun sentiment pour lui. Au contraire, James l'attirait plus, mais cette attirance venait probablement du fait qu'il était le personnage principal de son roman. Elle avait passé tellement de temps à l'imaginer que le voir face à elle était troublant.
Elle marchait depuis plus d'une heure déjà. Au-dessus de sa tête, des nuages gris avaient envahi le ciel et l'air s'était rafraîchi. Elle frissonna lorsque les premières gouttes de pluie s'abattirent sur elle. Elle continua à avancer en les ignorant. Rapidement, la pluie se fit plus forte et la jeune fille fut trempée jusqu'aux os.
Le sort s'acharne sur moi !
Entre les gouttes de pluie qui s'accrochaient à ses cils et obstruaient sa vision, elle distinguait un décor constitué de quelques sapins et d'une colline au loin. Mais elle avait beau avancer, le décor ne changeait pas. Elle s'arrêta, stupéfaite, puis se remit en marche. Rien ne bougeait.
Mais... C'est impossible...
Elle réalisa avec horreur qu'elle avait beau avancer, le décor autour d'elle ne changeait pas, comme si elle marchait sur place. Elle se retourna et distingua le palais au loin, surprise de la distance qu'elle avait déjà parcourue. Pourtant, elle ne pouvait pas avancer plus loin.
Elle s'acharna à avancer, ignorant la pluie qui semblait prendre un malin plaisir à la tremper comme pour l'inciter à rentrer au palais, et constata avec impuissance qu'elle ne pouvait pas aller plus loin. Tous ses espoirs s'envolèrent alors. Elle ne pouvait pas rentrer chez elle et était coincée dans ce décor factice.
Comme pour confirmer ses angoisses, elle entendit des voix l'appeler et des personnes approcher derrière elle. Elle se retourna et vit avec horreur la silhouette de James se découper au travers du rideau de pluie. Il était à cheval, tout comme Alan qui le suivait ainsi qu'une dizaine d'homme partis à sa recherche.
Elle était cernée. Elle n'avait aucun moyen d'échapper à cette histoire qu'elle avait elle-même écrite. Sur son visage, les gouttes de pluie se mêlaient aux larmes de désespoir qui inondaient ses joues tandis qu'elle voyait James descendre de cheval et approcher d'elle en courant.
À cause des larmes qui lui piquaient les yeux, elle n'arriva pas à deviner l'expression de son visage. Était-il furieux qu'elle se soit enfuie, soulagé de la retrouver, inquiet de la voir trempée et frigorifiée ? Elle n'eut pas le temps de le vérifier car elle sentit ses jambes se dérober sous elle. Contrairement à ses attentes, ce ne fut pas le sol dur et humide qui la rattrapa mais deux mains fermes. Elle devina qu'elles appartenaient à James. Sans chercher à résister davantage, elle s'abandonna à ce contact rassurant et perdit connaissance.
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Pour quelques mots de plus
Fantasía"Nous deux, ce n'était pas écrit..." Après un nouvel échec lors d'un concours d'écriture, Liana, folle de rage, brise le stylo avec lequel elle a écrit son roman. Mais ce geste irréfléchi a de lourdes conséquences : elle se retrouve emportée à l'int...