Chapitre 1

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« Allo ?

— Allez, mon vieux, dis-moi que tu es sorti de ton lit. »

Peter se leva péniblement du canapé, le combiné toujours collé à l'oreille. Il se frotta les tempes, renoua son peignoir blanc et se rendit compte qu'il l'avait enfilé sur ses vêtements de la veille. Il jeta un rapide coup d'œil à sa montre, qui affichait déjà 12 h 15.

« Absolument, » répondit-il d'une voix ensommeillée.

« Tu n'as pas oublié ce qu'on fêtait aujourd'hui ? »

Peter jeta alors un coup d'œil à son calendrier, celui accroché au-dessus du plan de travail de la cuisine. 22 février 2015. Il massa sa tempe libre et articula difficilement :

« J'en sais rien... Le Washington's Day ?

— Perdu ! Cette année, il tombait le 16 février. Tu sais quoi ? Oublie. Passe sous la douche et habille-toi en vitesse. Ah, et si tu as le temps, sers-toi un café. Avec un peu de chance, tu seras un peu plus réveillé... Je t'attends devant le Annie's Club. »

La ligne coupa. Peter voulut poser le téléphone sur sa table basse, mais elle semblait à des kilomètres et celui-ci roula à terre. Il emprunta ensuite mollement un vieil escalier grinçant, puis entra dans la spacieuse salle de bain du deuxième étage, se déshabilla et se glissa dans la douche. Il actionna l'eau et la laissa couler doucement sur son visage, les yeux fermés. Mais si elle eut la vertu de le réveiller, même cette eau gelée qui perlait sur son corps ne réussit pas à le ramener à la réalité.

Fouillant dans la penderie de sa chambre, il enfila un jean et une chemise à carreaux bleu ciel que son père lui avait donnée. Après l'avoir oublié maintes et maintes fois lors de ses visites, plus amusé qu'agacé, celui-ci avait fini par déclarer que c'était sans doute parce que la chemise aimait plus Peter que lui. En y pensant, Peter eut un léger sourire.

Michel-Ange, de son surnom Micky, son retriever couleur neige, profita du moment où Peter lançait sa machine à expresso pour le saluer en lui bondissant au visage. Peter rit et lui tendit sa gamelle, remplie au préalable, avant de lui ouvrir la baie vitrée pour le laisser courir dans le jardin. N'ayant pas le temps de se servir le café en question, comme le lui avait conseillé Ethan au téléphone, il laissa Micky dehors, sauta dans la Renault Mégane noire qu'il s'était offerte pour ses vingt-cinq ans, démarra et sortit de la cour en demi-tour. En roulant, il remarqua que sur le siège côté passager se trouvaient toujours les photos qu'il avait fait développer la veille en fin d'après-midi. Des photos prises avec sa filleule Anna, le jour de ses quatre ans, le samedi d'il y avait maintenant deux semaines. Son meilleur ami Ethan et sa femme Isabel avaient organisé l'anniversaire de leur fille dans leur jardin, derrière la maison, et avaient invité toute leur famille. On pouvait les voir au dernier plan de certains des clichés.

En se rendant comme prévu au Annie's Club, Peter passa devant l'imposante université d'Harvard dans laquelle il enseignait les mathématiques depuis 2011. Ses élèves, brillants, comptaient presque tous faire des métiers autour de la médecine, de la politique, de l'ingénierie ou de l'institution. Mais il lui était tout de même arrivé une fois de croiser dans un couloir une grande brune très bavarde et un peu perdue désirant devenir fleuriste, et qui ne faisait que suivre de prestigieuses études pour le plaisir d'apprendre.

Peter était ce qu'on appelle un homme honnête et plutôt aisé : il possédait une belle voiture (simple, mais belle), travaillait dans l'une des Universités les plus réputées au monde, et était récemment devenu l'heureux propriétaire d'un loft hérité d'une grand-tante Sophie, décédée d'une rupture d'anévrisme deux années plus tôt. Laquelle il avait donc apprise l'existence par la même occasion. La vieille femme n'avait jamais eu d'enfant ou d'ami quelconque à qui laisser ses biens, et avait légué à Peter et à sa sœur tout ce qu'elle avait. Aisé pour ça, et honnête, car il remerciait la vie de sa générosité envers lui sans jamais profiter de son argent pour de mauvaises raisons. Pourtant, Peter n'était pas vraiment, sincèrement heureux. S'il faisait partie de ces jeunes, riches et séduisants Américains auxquels on envie tout, il lui manquait quelque chose d'indispensable à ses yeux. Ayant toujours eu, par chance, de grandes facilitées d'apprentissage, il avait eu la possibilité de beaucoup voyager durant ses études, principalement en Europe et en Afrique Centrale, et en revenant définitivement en Amérique, lui qui avait été bohémien et intello toute sa scolarité, devant le couple que formait Ethan et Isabel, avait eu le désir soudain de se marier pour pouvoir un jour fonder une famille à son tour. Or, six années étaient donc passées et à ce jour, la seule occasion qu'il avait eue de réaliser cette envie s'était envolée comme une trainée de poudre.

Ce jour-là [romance] [enquête] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant