Chapitre 13

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Mardi 10 mars 2015.

Peter sortit de son lit, prit une douche, s'habilla, avala un bol de céréales, prit ses clefs et son portable puis claqua la porte de chez lui. Il était 9 h.

Cette nuit, son rêve s'était fait encore plus net, plus réel, plus palpable que les fois précédentes. Évidemment, ça s'expliquait par le simple fait que Peter lui donnait de plus en plus d'importance, mais il ne pouvait s'empêcher d'y voir le signe qu'il s'approchait de son but. Cependant, cette journée ne serait pas dédiée à ses recherches de la jeune femme fantôme, mais bien à la découverte éventuelle et espérée de ce qu'il s'était passé chez lui lors de son accident suivi de son coma. La veille au soir, il avait décidé de se rendre au Annie's Club le plus tôt possible, et d'y passer la journée si nécessaire, puisque le papier n'indiquait pas d'heure précise. Après s'être assuré que son chien ait suffisamment d'eau et de nourriture pour la journée, il prit sa voiture et se gara bientôt devant le bar, à 9 h 11 précise, entra et s'assit au comptoir. Il commanda une bière wheat dans laquelle il ne fit que tremper les lèvres, toujours en guettant d'un air distrait l'entrée du bar.

Plus le soleil s'élevait dans le ciel, plus les minutes lui paraissaient longues. Mais il n'était pas près d'abandonner, résolu à rester assis sur son tabouret jusqu'à la fermeture, puisque la date du rendez-vous était claire, que le lieu ne pouvait pas en être un autre, et qu'il souhaitait assurément des réponses. Alors il sortit son smartphone de sa poche, enfila ses lunettes et entama la lecture du roman Le Haut des Hurlevent d'Emily Brontë sur une application Android de lecture. Un classique de la littérature anglaise, qui était aussi le livre préféré de sa mère.

Martha Johnson, née Martha Clark, avait eu 56 ans le 6 février de cette année. C'était une femme cultivée et douce, qui adorait la lecture et était notamment grande fervente des romans d'Agatha Christie. Elle avait toujours eu la manie involontaire mais touchante de vivre sa vie comme l'héroïne d'un roman très utopiste. Elle était fleuriste et cultivait une passion particulière pour une cinquantaine de plantes grasses, qu'elle avait, même dans les souvenirs les plus lointains de son fils, toujours eues en pot et qu'elle arrosait avec amour dans la véranda de style victorien de leur maison. Paul Johnson, lui, aurait 63 ans le 19 juillet et était urgentiste. C'était un passionné des courses de chevaux et un fervent amateur de football américain qui n'avait jamais manqué le Superbowl, et qui le regardait depuis des années avec son meilleur ami Charlie, gérant du camping dans lequel Peter avait passé la plupart de ses débuts d'été étant enfant. Lorsque ses parents s'étaient rencontrés en 1978, ils étaient tombés amoureux instantanément sans se l'avouer après avoir été placés l'un à côté de l'autre dans un vol en direction des Pays-Bas. Logé dans le même hôtel, Paul avait suivi Martha partout durant toute la durée du séjour, et ils avaient passé une semaine à Amsterdam à se chamailler puis avait fini par se faire l'amour entre une balade en bateau-mouche le long des canaux de la Venise du Nord et la visite du Musée du célèbre peintre Vincent Van Gogh. Cette histoire, la mère de Peter la lui avait racontée des centaines de fois : « une rencontre digne d'un roman délicieux », aimait-elle à dire. Le genre d'amour qu'on expérimente qu'une fois dans une vie.

Peter peinait à se concentrer sur sa lecture. Il était déjà 11 h et le bar demeurait désespérément vide. Même si la porte d'entrée était surmontée d'une clochette qui servait à annoncer l'arrivée d'éventuel client, Peter ne pouvait s'empêcher d'y jeter un coup d'œil de temps en temps, au cas où il n'entendrait pas le tintement, ou si le son émit était trop faible pour être perçu... Disons simplement qu'il était trop impatient pour attendre d'être averti pas une clochette.

À midi et demi, comme il mourait de faim, il commanda un sandwich bacon fromage qu'il dévora, et finit sa bière. À 13 h, la clochette tinta enfin : mais il ne s'agissait que d'Annie, la propriétaire et fondatrice du bar. Il était rare qu'elle ne soit pas cachée au fin fond de sa cuisine, à préparer commande sur commande ou à relire inlassablement toute sa collection des romans d'Émile Zola.

Ce jour-là [romance] [enquête] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant