Cette semaine, M. Collins avait rappelé Molly pour lui annoncer qu'elle avait été retenue pour le job d'instit remplaçante de Mrs Hall. Elle commencerait le 24 avril, et pour fêter ça, Lucy et elle étaient retournées au Jacob Wirth, l'occasion pour Lucy de revoir Liam de façon presque innocente. Molly avait aussi écrit quatre gros chapitres pour son roman. Pas mécontente d'elle, elle en était maintenant à son septième chapitre, et la vie sentimentale d'Ann commençait tout juste à devenir intéressante.
En effet, celle-ci avait enfin rencontré Tom, mais malheureusement ils ne s'étaient pas encore revus. Le dernier paragraphe de Molly finissait par la phrase : « Étant d'un naturel assez pessimiste en amour, Ann ne savait pas trop quoi penser de cet homme un peu trop parfait que la vie lui avait fait rencontrer (comme par hasard) dans un bar portant son propre prénom. »
Car oui, même sans être sûre d'obtenir l'autorisation de la propriétaire du Annie's Club, Molly n'avait pas pu s'empêcher de citer le bar. Au pire, elle changerait seulement le nom, et légèrement la description. Le cadre correspondait bien trop à l'ambiance que Molly recherchait pour son livre, et il lui rappelait évidemment la France.
La France. Le pays lui manquait terriblement. Cela ne faisait pas si longtemps qu'elle en était partie, à peine deux à trois mois, mais tout lui manquait. La langue lui manquait, Paris lui manquait, ses amis lui manquaient, ses parents, et bien sûr son frère aussi, Antoine, qui allait bientôt fêter ses 20 ans. Elle commençait à envisager sérieusement de leur faire une visite surprise pour célébrer cette vingtième année, durant les vacances de Pâques. Elle irait sans doute seule pour laisser Lucy et Liam roucouler dans l'appartement...
Parce qu'effectivement, il n'avait fallu à Lucy et à Liam qu'une semaine pour retomber « amoureux », et monopoliser les chambres d'hôtel de Boston les unes après les autres. Après leur dîner au restaurant japonais Genki Ya, non loin du Jacob Wirth Restaurant, ils avaient pris une chambre dans l'hôtel le plus proche, où ils avaient sûrement fricoté toute la nuit. Étant tous les deux en colocation, ils leur étaient difficiles de se voir l'un l'autre sans être avec Molly ou avec Héléna, la colocataire et petite sœur de Liam. C'est pourquoi leur laisser l'appart même ne serait-ce que l'espace d'un week-end ferait le plus grand bien à leur porte-monnaie.
Molly jeta un coup d'œil à sa montre. Il était à peine 17 h 20.
Elle avait juste le temps d'aller courir un peu et pourquoi pas de se payer une boisson chaude. Cette semaine, la température avait subitement baissé et le soleil s'était fait plus rare, sans parler de la brise légère, mais glacée qui s'était installée en ville.
Elle sauta donc du canapé et partit chercher sa tenue de jogging spécial hiver. Une paire de baskets blanches, un épais legging noir, un pull simple sur lequel elle ferma une parka rose, une écharpe crème, des gants et un bonnet assorti. Parée contre le froid, elle sortit son portable et ses écouteurs, laissa un post-it à Lucy, descendit quatre à quatre les marches de l'appartement et quitta à petite foulée la résidence pour atteindre la rue. Malgré son équipement, le froid ne tarda pas à se frayer un chemin sous ses vêtements et à l'envahir jusqu'aux os. Son souffle accéléré laissait de petits nuages de chaleur derrière elle, et ses foulées devenaient plus souples à mesure qu'elle s'habituait à la température. Il lui fallut néanmoins attendre d'arriver jusqu'au Boston Common Park pour que celle-ci n'ait plus d'emprise sur elle.
Sa playlist de U2 dans les oreilles, elle entama un tour du parc. D'abord en trottinant de façon traditionnelle, puis en montée de genoux et en talons-fesses. Elle s'arrêtait çà et là contre un arbre pour s'étirer puis repartait, encore plus énergique. Elle piquait deux à trois sprints tous les deux kilomètres environ, et ralentissait de temps à autre pour apprécier la vue. C'est seulement 45 minutes plus tard, lorsqu'elle passa devant un vendeur ambulant, qu'elle s'arrêta véritablement pour s'accorder une pause et se payer un chocolat chaud. Celui-ci servit dans un grand gobelet en plastique brûlant, elle remercia le vendeur, récupéra sa monnaie, et commença à chercher un banc. Elle en trouva un juste sur la place centrale du parc, s'assit et entreprit de boire doucement sa boisson chaude afin d'éviter de se brûler la langue. Le froid lui lacérait les joues et le nez, et elle se remercia d'avoir au moins les oreilles et les doigts au chaud. Elle s'assit en tailleur pour se réchauffer, et se remit discrètement à observer les gens qui s'affairaient autour d'elle. Cette fois, son attention se porta sur deux jeunes couples : le premier était aussi assis sur un banc et se bécotait sans gêne à la vue de tous, à coup de langues apparentes et baveuses. La jeune fille était blonde et son petit ami était brun, et ils devaient avoir environ 17 ans. Ils étaient tellement collés l'un à l'autre qu'on aurait eu du mal à distinguer quel bras et quelle jambe appartenait à qui si le garçon en question avait été un peu plus svelte. Le second couple, debout, présentait une fille aux cheveux châtains et un garçon brun, commandant une gaufre qu'ils se partagèrent bientôt d'un air complice, en riant, en se taquinant et s'embrassant de temps en temps, bras dessus bras dessous lorsqu'ils partirent continuer leur promenade. Ceux-là devaient avoir aux alentours des 21 ans et leur complicité se devinait plus grande.
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Ce jour-là [romance] [enquête] [TERMINÉE]
Misterio / SuspensoJ'ai mis 9 ans à écrire ce roman (littéralement, 2015-2024) Deux âmes tourmentées, entre Boston et les secrets du passé. Peter Johnson, un brillant professeur de mathématiques à Harvard, vient de fêter ses trente ans dans la solitude et la dépressi...