Chapitre 4

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16 h.

Molly sortit de la voiture et gravit les marches de l'école primaire française.

« Envoie-moi un SMS quand tu auras fini ! » cria Lucy, avant de disparaître au coin d'une rue.

Molly la salua puis laissa sa main en suspend quelques instants, prit une grande inspiration et frappa quatre fois à la porte de l'établissement. À la hâte, elle dissimula ses lunettes de soleil dans son sac, vérifia que son chignon était bien serré et passa sa langue sur ses lèvres, pour ne laisser aucune trace de maquillage.

Un homme d'une cinquantaine d'années lui ouvrit et l'escorta jusqu'au bureau du directeur. Molly entra en regardant ses petits talons rouges.

« Bonjour. »

Un deuxième homme, assis sur une chaise blanche à roulettes, l'invita à s'assoir à son tour. Elle sortit son dossier qu'elle posa sur ses jambes croisées. Elle réajusta discrètement son tailleur et mit une mèche ondulée derrière une oreille.

« Vous êtes Mademoiselle Martin, n'est-ce pas ? l'interrogea l'homme avec un accent américain très prononcé.

— Oui, c'est moi. Bonjour. »

Il lui tendit une main qu'elle serra nerveusement, mais fermement.

« Enchanté, M. Collins, directeur de cette école. Mais vous l'aviez deviné. »

Molly approuva.

« J'ai déjà lu votre dossier, l'informa-t-il en désignant les jambes croisées de Molly.

— Bien sûr. »

M. Collins sourit et pianota sur le clavier de son ordinateur. En attendant, Molly détailla la salle dans laquelle elle se trouvait : assez petite, c'était une pièce moderne et lumineuse, comportant un bureau en arc, deux chaises noires et blanches au-devant, le fauteuil cuir à roulettes du directeur ainsi qu'une étagère en bois poster au fond à droite, à côté d'une fenêtre. Au sol, du parquet clair, et accrochée au mur, une reproduction miniature dans les tons sépia du tableau Guernica, de Picasso. M. Collins prit bientôt la souris de son ordinateur et fit défiler le dossier de Molly :

« Molly Martin, 27 ans, jeune enseignante remplaçante à Paris, dans le 7e arrondissement. Je vois que vous étiez appréciée par vos collègues, et vous avez réussi haut la main votre concours pendant votre master. Vous avez suivi une première année de licence LEA puis vous vous êtes réorientée vers une licence de sciences de l'éducation... Et je ne fais bien sûr pas abstraction de votre succès en tant que romancière, car ce petit plus pourrait être bénéfique à la publicité de notre école. »

Il ferma l'ordinateur, croisa les mains et se pencha vers Molly.

« Si je décide de vous engager, vous devrez commencer mardi 24 avril à 8 h, pour remplacer Mrs Hall, qui sera alors partie en congé maternité. »

Il est plutôt pas mal, avec ses yeux foncés, sa peau brune et ses cheveux grisonnants.

« Je vais donc vous poser cinq ou six questions. La routine. »

Molly s'était préparée à cet entretien et elle répondit comme elle le put aux questions qui lui furent posées. Elle expliqua que si elle avait voulu devenir enseignante en école primaire, c'était parce qu'elle avait toujours aimé les plus petits, et qu'elle avait besoin de se sentir utile. Elle se décrivit comme déterminée à ce que chaque élève progresse, quel que soit son niveau de base. Elle ajouta avoir de bonnes notions d'anglais grâce à sa LEA, ce qui fit que ses prochaines questions lui furent posées dans la langue de l'État. Elle promit d'accorder plus d'attention et de patiente aux enfants en difficulté, en proposant pourquoi pas des heures de soutien scolaire jusqu'à 17 h 30 le soir, si toutefois M. le directeur (elle insista sur ce point) n'avait rien contre cette idée.

« Une dernière question, reprit M. Collins. Si vous deviez vous présenter en trois mots, quels seraient-ils ? »

C'est quoi son haleine ? Chewing-gum à la menthe... ?

Molly réfléchit rapidement à cette question qu'elle ne s'était jamais posée d'elle-même. Elle énonça tout de même d'un air qu'elle voulut sûr d'elle :

« Patiente, déterminée, et... Passionnée. »

Elle entendait par cette dernière qualité la passion pour son métier, ainsi que pour ses passions personnelles évidemment, avec une pensée profonde pour ses romans.

M. Collins hocha la tête.

« Très bien. Je vous rappellerais pour vous informer du résultat de cette entrevue. »

Il lui tendit de nouveau la main, elle la serra et fut raccompagnée dehors.

Molly prévint Lucy que son entretien était fini, et en montant dans sa voiture, elle jeta ses talons rouges à l'arrière du véhicule. Il n'était que 16 h 30, mais en rentrant, elle comptait bien se faire couler un bain chaud, manger une tablette de chocolat noir entière, en peignoir devant Games of Thrones, avant d'aller se coucher. Après tout, si M. Collins l'appelait dans la semaine pour lui annoncer qu'elle était retenue, ce qu'elle espérait fortement, elle ne commencerait que le mardi 24 avril, elle aurait donc deux mois pour préparer ses premiers cours et écrire quelques chapitres sur la vie quotidienne et sentimentale d'Ann. Peut-être réussirait-elle finalement à finir ce roman dans les temps.

Lucy regarda Molly se remettre du rouge à lèvres et demanda :

« Alors ? Ça s'est bien passé ?

— Il me semble.

— Et M. le directeur ? Sympathique ?

— Il sentait la menthe.

— Une nouvelle cible à ton tableau de chasse ?

— Tu sais bien que je n'ai jamais eu de tableau de chasse, Lucy. Et il a quoi, deux fois mon âge ? Peut-être une fois et demie, pour être gentille. »

Lucy leva les yeux au ciel.

« Tu trouves toujours des défauts à tous les hommes que tu croises ! Tu as vingt-sept ans, Molly ! Quand est-ce que tu comptes te caser ?

— Il sera peut-être bientôt mon supérieur, ce ne serait vraiment pas professionnel. Et puis, tu ne penses pas que cela ferait très cliché ? Aussi, je n'ai pas fait attention, mais il devait probablement porter une alliance. »

Lucy soupira, et Molly en profita pour ajouter :

« Pour le moment, je suis très bien toute seule. Mais peut-être veux-tu que l'on parle de toi ? »

Cette fois, son amie prit le temps de la fusiller du regard avant de se reconcentrer sur la route :

« Au moins, moi, je sors, je multiplie les occasions. Tu devrais en faire autant. »

Molly ne répondit pas, se contenta de remettre ses lunettes de soleil avant de se tourner vers les buildings qui défilaient inlassablement.

Ce jour-là [romance] [enquête] [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant