Pour la première fois depuis plus de six mois, Anna écrivait. Et elle écrivait depuis des heures, avec frénésie, portée par l'aversion qu'elle avait ressentie plus tôt dans la matinée.
La jeune fille n'écrivait pas son livre dans l'ordre des chapitres. Elle avait commencé par une partie en plein milieu de l'histoire, où son héroïne est furieuse contre un personnage qui l'a dupé. Anna avait puisé dans sa fureur pour écrire la scène, puis, l'inspiration revenue, elle avait continué, prise dans la fièvre de l'écriture, sans s'inquiéter de l'heure tardive.
Enfin, épuisée mais portée par un étrange sentiment de béatitude, elle avait enregistré son document et éteint son ordinateur. Cela faisait tellement longtemps qu'elle n'avait pas ressenti le bonheur d'écrire d'un seul jet ce que son esprit lui hurlait d'écrire depuis des mois ! Une petite partie d'elle, qui commençait à croire sérieusement qu'elle n'était bonne à rien, reprenait confiance. Et ça faisait un bien fou.
Le jour suivant, et tous les autres jours qui suivirent pendant deux bonnes semaines, Anna avait traîné Leon aux quatre coins de Paris. Chacune de leurs visites s'étaient déroulées à peu près de la même manière passive-agressive. Souvent, Anna s'amusait beaucoup, puis Leon lui rappelait à sa façon qu'il était un petit prétentieux arrogant, et Anna se remettait à le détester de plus belle.
Un peu comme la fois où ils visitaient l'Opéra Garnier, et qu'il avait passé une bonne partie de l'après-midi à surveiller son Apple Watch sous prétexte « qu'il y en a qui travaille ici ».
Ou encore un soir, quand ils traversaient Paris en péniche (une activité vraiment trop touristique au goût de Anna mais qui avait semblée plaire à Leon qui, étonnement, ne se plaignait absolument jamais de ses propositions).
Anna s'était éclipsée une demi minute pour aller aux toilettes. Lorsqu'elle était revenue, elle avait retrouvé Leon, son sourire ravageur braqué sur une très jolie brune avec qui il semblait en pleine conversation. Anna n'avait pas voulu les interrompre dans ce qui semblait être une passionnante discussion, et elle avait fini la visite, seule, le plus loin possible du petit couple. Elle avait hésité à modifier son nom dans son téléphone, le faisant passer de « Gros Blaireau » à « Énorme Chien » (elle aimait bien les métaphores animalières). Mais finalement, elle avait estimé que les chiens n'avaient rien demandé à personne, et qu'ils étaient souvent bien plus respectables que les hommes.
Au final, malgré sa mauvaise humeur à peine feinte, Anna n'avait pas réussi à le dégoûter, et Leon continuait de se balader avec insouciance dans les rues de Paris, les cheveux au vent, comme si de rien n'était.
Anna commençait à se demander si elle n'était pas sérieusement masochiste, à s'infliger toute ça.
Le seul avantage de cette situation qui épuisait Anna, c'était qu'elle écrivait tous les soirs lorsqu'elle rentrait chez elle. L'inspiration était enfin revenue.
Anna aperçue enfin Leon dans la foule de voyageurs alors qu'elle se tenait devant le quai treize de la gare Montparnasse. Elle remarqua immédiatement ses traits tirés de fatigue malgré son expression joviale, mais ne posa pas de question. Peut-être avait-il passé la nuit avec la jolie brune de le veille ? De toute façon, ça ne la regardait pas, et elle s'en fichait.
Alors qu'il la saluait de la main, elle lui tendit son ticket de RER en lui disant froidement :
- Tu me dois quatre euros.
- Radine, répliqua-t-il en se saisissant du ticket qu'il composta.
Anna avait déjà passé le portique sans se soucier de lui, ignorant d'un geste de la main les propos du jeune homme. Elle n'allait quand même pas lui offrir un séjour tout frais payé en plus de ça ! Sa bonté avait des limites.
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Le Second choix
ChickLitUne nuit d'été, un inconnu qu'elle ne pensait jamais revoir. Anna, jeune autrice de 27 ans, ne pensait pas être du genre à se contenter d'un "coup d'un soir". Et pourtant, lorsqu'elle rencontre Leon ce soir-là, elle décide de se laisser tenter. Aprè...