TREASON OF A HEART

2. AYLEE

Je me suis réveillée plus tôt qu'Evan pour avoir le temps de me laver et de lui préparer son petit déjeuner.

Je vais devoir repasser chez moi pour me changer avant d'enchainer avec ma journée de boulot.

Tandis que je remplis un verre de jus d'orange pour lui, mon frère apparait dans la cuisine en se frottant les yeux.

J'aurais peut-être dû appeler son école et prévenir qu'il était malade, ça lui aurait permis de récupérer. Mais je ne peux pas commencer à lui faire sauter des cours à son âge.

— Tu ronfles comme un pompier, le taquiné-je, attendrie par son air embrumé.

Il s'assoit à table en me tirant la langue.

— Et toi tu pues de la bouche !

Ça serait tout à fait possible, je ne me suis pas lavée les dents avant de me coucher, à bout de force.

— Je t'ai préparé un peu de lait avec des céréales, ça te suffit ?

J'espère que oui, il n'y a quasiment rien dans les placards.

Il hoche vigoureusement de la tête.

— Et toi, tu manges pas ?

— Je grignoterai sur le chemin, je dois retourner à mon appartement. Je serai là tout à l'heure pour te récupérer à l'école, d'accord ?

— Tu travailles pas, aujourd'hui ? me demande-t-il avant d'enfourner une cuillère de céréales.

— Si, mais je terminerai plus tôt.

Evan m'observe avec une expression préoccupée.

— Je peux rentrer à la maison tout seul, si tu préfères.

— Pas question, je serai là.

Bien qu'il n'ait que neuf ans, il sait que ma relation avec notre mère est chaotique, que je travaille beaucoup et a conscience que notre situation est difficile.

— Merci, Aylee.

Je dépose un baiser dans ses cheveux.

— T'as pas à me remercier, je suis ta sœur et tu passes avant tout.

Nous allons jusqu'à son école en faisant la course. Devant les grilles, certains parents nous jettent des regards emplis de compassion. Aucun n'est proche de notre famille, mais les situations des uns et des autres sont connues dans une école de quartier comme celle-ci. Ce n'est pas la première fois que c'est moi qui dépose Evan.

Je déteste l'apitoiement que je perçois chez eux quand je dis au revoir à mon frère et qu'il rejoint le bâtiment. La plupart font partie de la classe très populaire comme nous, mais ils sont des parents plus décents que les nôtres.

Je me détourne vite d'eux et file vers la station de métro.

Je pourrais faire des économies en vivant sous le même toit qu'Evan et notre mère, mais je ne peux pas supporter la présence de cette dernière plus de vingt minutes. Mon frère n'a pas besoin de subir nos disputes et nos cris.

De toute façon, elle ne veut plus de moi, elle me l'a fait comprendre en me dégageant de la maison à cinq heures du matin un dimanche de novembre.

Donc je loue un petit deux pièces dans Manhattan, proche du Black Diamond et de mon boulot de jour.

Après être repassée chez moi, j'accélère le pas mais je suis déjà en nage au bout de cinquante mètres, le soleil de juin tape fort aujourd'hui.

Je passe les portes de l'hôtel low-cost dans lequel je travaille en tant que femme de chambre. Le Sky Inn ne paie pas de mine mais il est à deux rues de Central Park et est donc complet presque toute l'année.