Ils ne parlent pas durant le court trajet entre la gare et ma maison. Il faut dire que, moi non plus, je ne sais pas comment engager la conversation. Je ne connais aucun de ces deux hommes. Antonin ne ressemble pas du tout à ce que j'avais imaginé à partir de la photo de son visage. Je me suis laissé piéger par les stéréotypes que l'on peut avoir à propos des Américains. J'avoue que je m'attendais à un mec enrobé, pour dire les choses joliment. Mais pas du tout, il semble bien foutu. Par contre, Hadrien va devoir se remplumer un peu pour travailler au bar. Quoique, je n'ai pas encore de mec sec et musclé dans mon équipe, il pourrait être un atout. Le plus simple serait de les emmener directement à la plage, pour pouvoir juger sur pièce, en maillot de bain, mais je ne veux pas non plus les effrayer.
Je les regarde, dans le rétroviseur, pour observer leur réaction alors que le portail s'ouvre. Je ne sais pas ce qu'on leur a dit précisément sur leur futur lieu de vie. Apparemment, ils ne s'attendaient pas du tout à cela. J'adore voir l'effet de la révélation, lorsque les gens découvrent la propriété.
— Pas possible ! Mais c'est une villa !
Je gare la voiture, coupe le moteur, personne ne bouge. Ils ont l'air impressionnés, elle fait cet effet à tout le monde.
— Ici, on parle de malouinières, pour les demeures construites par les négociants et armateurs de Saint-Malo.
— Elle date de quelle époque ?
Le réflexe de l'archéologue.
— Du milieu du dix-huitième siècle. Vous avez le droit de sortir de la voiture.
Ils semblent tous les deux timides, ce qui n'est pas un bon point. J'espère qu'ils vont se décoincer rapidement. Il vaut mieux ne pas être introverti pour bosser dans mon bar.
— J'ai hérité de ce domaine il y a un peu plus d'un an.
Nous entrons dans le hall. Ils paraissent presque déçus. Même si, de l'extérieur, la malouinière est impressionnante, à l'intérieur les pièces sont assez petites. Sans doute qu'ils s'attendaient à quelque chose de plus imposant.
— Ma grand-mère me l'a léguée.
— Waouh ! ça doit créer des histoires de jalousie dans la famille.
— Ma mère était fille unique et n'a eu que moi, donc je n'ai pas une très grande famille.
— Et votre mère...
— Elle est décédée lorsque j'avais dix-huit ans.
— Navré, je...
— Vous ne pouviez pas savoir. Venez, je vais vous faire visiter. Au rez-de-chaussée, ce sont les espaces communs : la cuisine, le salon et la bibliothèque. Puis il y a trois étages. Je suis installé au troisième, sous les combles, je vous laisse décider lequel d'entre vous sera au premier.
— Eh bien, j'aimerais être au premier, si ça ne vous dérange pas, Antonin.
— Non, pas du tout.
— Installez-vous et ensuite vous me rejoignez dans le salon.
Le premier à redescendre est Hadrien. Je le sens assez fébrile, je n'arrive pas à déterminer pourquoi il semble avoir aussi peur. J'espère que ce n'est pas moi qui l'impressionne.
— Tout va bien ?
— Oui, je suis juste un peu déstabilisé. Il s'est passé pas mal d'événements en très peu de temps.
— Si vous voulez vous reposer, il n'y a pas de problème, prenez votre temps.
— Merci, peut-être un peu plus tard.
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L'Imaginaire
General Fiction« Ils sont trois : Antonin, Hadrien et Théophile. Leurs prénoms sont des indices. Pour l'instant, ils ne se connaissent pas. Le destin, lui, ne recule devant rien pour arriver à ses fins. Et la destinée a un objectif : réunir ces trois hommes. Ens...