12. Théophile - Le phénomène

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C'est amusé que je regarde mes deux nouvelles recrues. Il est cinq heures du matin et ils ont l'air au bout de leur vie. C'est le cas pour tout le monde les premiers jours.

— Pas si facile, le rythme, n'est-ce pas ?

— J'ai l'impression d'être vidé de mon énergie. Comment vous faites, toi et les autres, pour tenir ? Vous prenez de la drogue ?

— Ce serait la solution de facilité, mais bien sûr c'est interdit.

— Pas pour les clients apparemment. J'en ai vu revenir des toilettes avec des traces blanches sous le nez.

— Je ne peux pas contrôler tout le monde. Tant qu'ils n'abusent pas et ne deviennent pas violents, je ne peux rien faire, impossible de les expulser.

— Bon, alors, c'est quoi, votre secret ?

— Une bonne hygiène de vie.

— Super !

— C'est la difficulté principale de ce genre de métier, vivre en décalage complet avec les autres. Dormir en journée et être actif la nuit. Pour ma part, je me suis aménagé deux phases de sommeil. En rentrant, je vais aller me coucher, pour dormir jusque vers onze heures. Puis, je refais une longue sieste à seize heures.

— On va essayer de se caler sur ton rythme, mais franchement, je ne sais pas si je vais tenir.

— Le plus dur, ce sont les premiers jours, vous n'allez pas réussir à vous endormir tout de suite et vous allez accumuler du retard dans le sommeil.

— Merci de nous prévenir, c'est très encourageant !

— Allez, je vous dispense de ranger, on rentre directement.

Tous les deux ferment les yeux pendant le court trajet. Je connais parfaitement cet état, je suis passé par là. Cette impression d'avoir sommeil, qui va totalement disparaître lorsque nous serons effectivement à la maison. Là, c'est l'excitation accumulée pendant la soirée qui va prendre le dessus.

Nous arrivons à la malouinière. Il faut que nous vérifiions un élément avant que chacun ne rejoigne ses appartements. Je retire mon tee-shirt.

— Qu'est-ce que tu fous ?

Je me retourne, pour leur montrer mon dos, et surtout ma nuque. Ils s'approchent, mais ne disent rien.

— Alors ?

— Il n'est plus là !

— Tombez le tee-shirt.

Je constate par moi-même que le tatouage a disparu, aussi bien chez Antonin que chez Hadrien.

— C'est du délire complet.

— Je ne vais vraiment pas réussir à dormir.

— Je suis aussi étonné que vous par le phénomène, les mecs, mais on ne va pas résoudre le mystère maintenant. Demain, on entame les recherches pour essayer de comprendre ce qui nous arrive. Pour l'instant, essayez de vous reposer.

— Je vais fermer la porte de ma chambre à clé.

— Tu nous soupçonnes toujours de venir te dessiner un tatouage pendant la nuit ?

— Cette villa est peut-être hantée.

— N'importe quoi. Allez, bonne nuit, les gars.

J'essaie de ne pas me montrer trop troublé, mais évidemment je suis perturbé par cette histoire de tatouages. Cela n'a aucun sens, il est même difficile de croire que c'est réel. Parce que, dans la vraie vie, il n'est tout simplement pas possible qu'un tatouage apparaisse et disparaisse de cette façon. On a de l'encre dans la peau ou on n'en a pas, il n'existe pas d'entre-deux.

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