11. Antonin - Derrière le bar

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Il faudra que nous prenions le temps d'expliquer l'apparition de ces étranges tatouages. Je ne vois pas du tout comment une telle chose est possible. Il y a forcément quelqu'un qui est venu nous les dessiner, pendant que nous étions inconscients. Pas simplement pendant notre sommeil, car même si les techniques de tatouage ont évolué, il faut toujours faire entrer des aiguilles dans la peau. Est-ce qu'on nous aurait drogués ? Ce serait plausible si nous n'avions pas tous les trois le même tatouage, au même endroit. Et on ne peut pas se faire ce genre de chose, dans la nuque, soi-même.

Je n'avais vraiment pas besoin de ce genre de cogitation. Ce soir, je dois faire semblant d'être un mixologue de génie alors que je n'y connais rien. Les vidéos de démonstration sur TikTok sont sympas, mais on ne peut pas apprendre un métier juste en regardant un mec verser des trucs et des machins dans un verre. C'est donc la boule au ventre que je me dirige vers le bar, incapable de prédire ce qui va se passer. Je vais être jugé sur des performances que je n'ai pas du tout. Éric a l'air sympa, le problème est qu'il croit que je suis plus doué que lui. J'aurais préféré la position d'Hadrien, qui doit tout apprendre.

— Beau gosse, tu vas plaire !

J'ai déjà oublié que j'étais torse nu, pour bosser. Au moins, on ne cache rien, il n'y a pas la possibilité de tricher. Et le corps de mon collègue est plutôt pas mal. Totalement différent du mien, morphologiquement parlant. Je suis plutôt massif à la base, j'ai une ossature épaisse. Lui, il est tout fin et il a réussi à faire quelque chose de beau. Des biceps solides, un petit cul rebondi... Il ne faut pas que je commence à fantasmer.

— Sympa, la décoration.

— C'est la première chose que tout le monde remarque.

Difficile de ne pas avoir le regard attiré par l'énorme phallus en verre qui est posé sur le comptoir du bar. C'est d'un goût assez douteux, j'imagine qu'ils ne le sortent que le soir, pas quand les familles viennent prendre leur déjeuner.

— Les clients y glissent les pourboires.

— Je comprends mieux, c'est pour les encourager à donner.

— C'est plus drôle qu'un cochon rose ou je ne sais quoi comme horreur qu'on voit parfois. La règle est que si le pourboire dépasse cinq euros, ils ont le droit de nous caresser.

— Quoi ?

— Quand un client glisse un billet dans le phallus, il peut nous caresser le torse, j'espère que cela ne te dérange pas.

— Le genre de truc qui fait bien augmenter les pourboires.

— Tu n'as pas idée. Plus ils ont bu, plus ils donnent. Je pense que tu seras surpris par la somme, en fin de soirée.

— Il y a d'autres seuils ?

— Non, nous toucher les pecs est la seule option, même s'ils glissent cinquante euros ils n'ont pas l'autorisation de palper autre chose.

Je suis un peu rassuré. Déjà, le fait de se laisser caresser, contre de l'argent, c'est assez limite. Je n'aurais pas apprécié que les clients puissent aller plus loin. Théophile nous a répété qu'il n'encourageait pas la prostitution, j'espère que ce n'est pas un mensonge.

— Je te laisse préparer ton espace.

Super, on entre dans le vif du problème. Je regarde le plan de travail et je ne sais pas du tout comment procéder. Alors, j'utilise la technique la plus vieille de l'histoire : l'imitation. Je regarde discrètement ce que fait Éric, pour le copier. L'important, dans ce genre de situation, est de se forcer à avoir de l'assurance. Ne surtout pas montrer que j'hésite, que je ne sais pas comment m'y prendre, que je suis une quiche en mixologie. Ce soir, je dois être un bon comédien et faire croire que je connais mon métier.

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