18. Raphaël

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Mon séjour à Saint-Malo a mal commencé, c'est peu de le dire. Je n'ai pas du tout apprécié que l'appartement que j'avais réservé en ligne soit déjà occupé. Maintenant, il va falloir se battre pour obtenir un remboursement. Les premiers échanges d'e-mails ont commencé. Le site et le propriétaire du lieu se renvoient la balle. C'est bien beau, la technologie, en quelques clics on peut réserver tout et n'importe quoi. Mais il faut que les choses se passent bien, car dès qu'il y a un incident, que quelque chose coince, c'est le bazar. Heureusement que L'Imaginaire était ouvert et que je suis tombé sur des gens vraiment sympas, au-delà de la gentillesse.

Malgré cette déconvenue, et le fait que je ne puisse plus repartir pour cause de grève, il faut sans doute que je positive. Je me trouve dans un endroit encore plus beau que celui que j'avais réservé, dans une ambiance très... gay, ce qui ne me déplaît pas. Le but de ce séjour était de me retrouver seul, pour pouvoir faire le point, prendre du recul, tourner la page. Mais finalement, c'est peut-être tout aussi bien que je sois entouré, par des mecs gentils... du moins, ils n'ont pas l'air agressifs du tout. Par contre, je ne sais pas ce que je vais faire de mes journées. Le but était le voyage, sortir de Paris, je n'ai pas pensé à la manière dont j'allais occuper mon temps.

Je rejoins les autres dans le salon. Ils sont apparemment sur le départ.

— On va profiter de ce dimanche, la seule journée de repos, pour aller se balader sur la plage. Vous venez avec nous ?

— Avec plaisir.

Je ne vais pas rester seul dans cette grande maison, et puis j'ai envie de voir la mer ! Pour cela, il ne faut marcher qu'une dizaine de minutes. Est-ce que nous serions dans une sorte de petit paradis ? C'est quand même incroyable de vivre au bord de la mer. La majorité des gens ne la voient que pendant leurs vacances, eux ont la chance de pouvoir s'y rendre quand ils veulent.

— C'est la plus longue plage de sable de Bretagne. Ailleurs, ce sont souvent des galets.

— Et donc là, on est à marée basse.

— Il va falloir que vous téléchargiez une application, les mecs. Il faut prendre l'habitude de vérifier le niveau de la mer avant de s'y aventurer.

Le sable chaud sous nos pieds, le bruit des vagues qui s'échouent sur la plage, cette petite brise iodée, l'horizon qui tend vers l'infini... On se sent bien petit face à la nature. Cette nature que l'on ne croise plus dans les villes, où je ne fais même plus attention aux arbres. Là, la donne s'inverse, ce n'est plus l'homme qui contraint la nature, mais elle qui règne en maîtresse.

— Vous connaissiez déjà Saint-Malo ?

Ah oui, il faut que je reste connecté à la réalité ! Voilà ce que je ferai dès que j'aurai un moment seul : venir au bord de la mer et laisser mes pensées s'envoler.

— Pas du tout, c'est mon ami Pascal qui m'a conseillé de venir ici.

— Il ne voulait pas vous accompagner ?

— Il a déjà beaucoup fait pour moi.

Je n'en reviens d'ailleurs toujours pas, cet homme est incroyable.

— Sans lui, je ne serais pas ici.

Ces mecs semblent curieux et on dirait que je les intrigue. C'est un peu normal, on a toujours envie de savoir à qui on a affaire.

— Vous seriez resté à Paris.

— Non, ce que je veux dire, c'est que je ne serais certainement plus... vivant.

Christophe, le psychologue du commissariat, m'a pour l'instant donné un seul conseil : parler le plus souvent possible de ce que j'ai vécu. Pour que cela sorte, pour pouvoir passer à autre chose. Il ne faut surtout pas que je garde cet épisode de ma vie pour moi, il risquerait de me ronger de l'intérieur.

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