16. Antonin - Le songe

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Après toutes ces explications, ces révélations, ces hypothèses et cette folie, il est temps de nous reposer un peu. Nous avons loupé notre première phase de repos de la journée. Et nous sommes tous dans le même état, bien perturbés par l'ensemble des questionnements que nous avons soulevés. Heureusement, parmi nous il y a une arme secrète : Hadrien. C'est lui qui va nous guider pour que nous reprenions de l'énergie, malgré tout le stress généré. Nous nous installons chacun sur un transat, là, sur la terrasse, alors que le soleil a amorcé sa descente.

— Respirez profondément.

Lorsqu'il nous initie à la méditation, j'ai l'impression que sa voix change. Elle est plus grave, plus calme, apaisante. Personnellement, je me laisse totalement faire. Je n'ai jamais vraiment pratiqué la méditation avant, je ne croyais pas à ses vertus. Mais là, avec lui, je me sens en confiance. Il nous donne les indications jusqu'à ce qu'il juge qu'il peut nous lâcher et nous laisser plonger dans une autre dimension.

Au pays des rêves, un paysage se dessine. Du sable, à perte de vue. Je ne suis pas de retour sur la plage du Sillon, c'est le sable du désert, brûlant. Oui, je peux sentir à la fois la chaleur sous mes pieds et celle intense du soleil sur mon corps nu. Je regarde les gouttes de sueur se former et glisser lentement, du sommet de mon crâne jusqu'à mes pieds. Lorsque je relève les yeux, j'aperçois une étendue d'eau. J'avance, difficilement, mes pieds s'enfoncent dans le sable. Et j'avoue que, même si je sais que je suis dans un rêve, j'ai peur qu'un scorpion surgisse.

Ce n'est pas juste une oasis, c'est un fleuve ! Au loin se dressent des pyramides. Les indices que mon subconscient fait apparaître sont pour une fois évidents. Je suis en Égypte et ce fleuve est le Nil. Non pas l'Égypte actuelle, mais celle d'un temps où les pyramides étaient encore telles que ses architectes les ont voulues. Une légère brise se lève, rafraîchissant mon corps. Puis, brutalement, le soleil disparaît, laissant place à une myriade d'étoiles, la nuit vient de tomber sur le désert.

La silhouette d'un homme se détache. Il est accroupi au bord de l'eau. Je m'approche doucement. Je n'ai plus peur, c'est la curiosité qui a pris le dessus et me pousse à avancer pour savoir ce que ce songe a à me révéler.

— Bonsoir, Antonin.

Il ne se retourne même pas. Il fixe le débit de l'eau, si lent que j'ai l'impression que le fleuve est sur le point de s'arrêter de couler.

— Bonsoir, Hadrien.

Je regarde derrière moi. Mon colocataire vient de me rejoindre dans mon songe. Lui aussi est nu. Je n'éprouve aucune gêne à me montrer dans mon plus simple appareil et lui non plus ne semble pas gêné que je le regarde.

— Bonsoir, Théophile.

Son apparition est moins étonnante, je m'y attendais, c'était la suite logique. Et quand notre subconscient suit une logique, c'est qu'il a un message concret à nous transmettre.

— Enfin, vous êtes réunis.

On se regarde, on s'observe. Chacun semble dans son propre songe, sauf que nous sommes dans la même dimension.

Le jeune homme tourne son visage vers nous et nous sourit.

— Antinoüs !

— Je suis heureux que tu me reconnaisses, Hadrien.

L'éphèbe se lève doucement, dévoilant l'ensemble de son corps. Ce qui frappe immédiatement, c'est la perfection absolue de son anatomie. Comme si une sculpture taillée par le plus doué des artistes venait de prendre vie. Enfin, peut-être que si le David de Michel-Ange devenait réel, il ne serait pas si agréable à regarder. Les sculpteurs trichent, dans les proportions, pour magnifier leur œuvre. Là, face à nous, se tient la beauté à l'état pur.

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