Le dernier jour de ma semaine d'apprentissage s'achève. Je connais à présent le fonctionnement de la cour sur le bout des doigts. Je sais parfaitement que les sept jours passés auprès de ma mère et de la marquise de Dikaizosyni étaient idylliques par rapport à ce que je vais vivre dans les mois, voire les années, à venir. Pour moi, ce n'est pas la vie de suivante d'une des favorites du roi qui m'attend, mais celle de courtisane. Je me retrouverai sur l'avant-dernier échelon de la hiérarchie de la cour, mais cela ne me gêne pas : grâce à cette semaine d'initiation, j'ai appris à faire face aux violentes critiques lorsque je me déplace sur le domaine royal en compagnie de ma mère et de la favorite du roi.
Toutes les personnes qui sont venues pour ma fête d'anniversaire sont plus hypocrites les unes que les autres. Des sourires faussement amicaux. Des compliments lancés dans le seul but de gagner ma confiance. Des balades dans les jardins lors de la pause déjeuner pour mieux tenter de m'apprivoiser. Tout cela uniquement pour me faire baisser sa garde et m'amener aux confidences. Ma mère m'a transmis toutes ses connaissances, ses erreurs et ses expériences dès la fin de mon premier jour à la cour. Elle m'a relaté toutes les discussions qu'elle a eu avec mon père. Bien évidemment, je ne lui ai pas dit que je les avais entendus et me suis simplement contenté de tout écouter. Grâce à cela, je pense m'en être plutôt bien sortie : jamais une parole plus haute que l'autre n'a franchi le seuil de mes lèvres. Même si ça m'a parfois démangé lorsqu'une personne s'entêtait à trop vouloir me faire cracher le morceau.
J'ai grandi.
Je ne suis plus cette enfant tout droit venue de la campagne.
Je sais désormais ce qui pouvait être dit et ce qui ne le devait pas.
Les courtisanes m'ont relativement laissée en paix jusqu'à présent. La présence de la marquise de Dikaizosyni les dissuadait de trop approcher, mais dès que j'étais seule pour accomplir une mission qu'elle m'avait confiée, je me retrouvais, à l'instar d'une reine des abeilles avec ses ouvrières, entourée de courtisanes pipelettes et curieuses. Je ne pouvais plus faire un pas avant que je ne leur aie déballé une banalité. Comme ce jour-là...*
*
*
— Mademoiselle Rose, m'appelle une des nombreuses courtisanes qui traînent dans la grande cour au sol marbré, attendez-nous !
Je pince les lèvres, mécontente de croiser leur chemin. Au vu du timbre et des intonations, je parie que cette voix appartient à la pipelette de mon anniversaire... J'inspire profondément en entendant les pas se rapprocher, plaque un masque joyeux sur mon visage et me tourne dans sa direction.
— Oh ! fais-je mine de m'étonner. Je ne pensais pas vous voir ici.
J'ai oublié son prénom... J'espère que mon interlocutrice n'y fera pas attention.
— Oui, je ne devais pas venir aujourd'hui : mes parents m'ont demandé de rester...
Je n'écoute déjà plus : ce qu'elle me raconte est inutile au possible. Sa voix de crécerelle m'agace, mais je dois faire comme si de rien n'était.
— Je suis désolée, l'interrompis-je finalement après plusieurs minutes d'un monologue ponctué par des gloussements et des petits cris, mais la marquise de Dikaizosyni m'attend... Elle m'a confié une tâche.
— C'est vrai que vous m'aviez l'air occupée quand nous nous sommes rencontrées. Que diriez-vous que je vous accompagne ? Le trajet vous paraîtra moins long comme ça...
Au contraire ! Je n'attends que ça que tu prennes la tangente. Puis je parie que tu veux en profiter pour être présentée à la marquise par la même occasion.
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Blood & Flowers 2 - Rose & Thomas
Werewolf[Tome 2 de "Blood & Flowers"] /!\ Un chapitre tous les mardis et vendredi à 19h00 /!\ Rose doit quitter son train-train quotidien. Henri, son père, devient un soldat de la garde royale et Lila, sa mère, la suivante de la Marquise de Dikaizosyni. Pou...