Chapitre 11 : Rose

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Tout n'est que silence. Et chaleur. Et confort. J'adore ces moments où je vacille entre sommeil et éveil dans l'attente de l'arrivée de Marguerite. J'ai conscience de mon environnement tout en ayant l'impression d'être dans une bulle. Ma bulle.

Mais rien n'est éternel dans ce monde... La porte grince dans ses gonds, comme hier et avant-hier, demain et après-demain. Et le cycle se répètera. Encore. Et encore.

Les anneaux hurlent sur les tringles quand Marguerite écarte les lourds pans de velours qui coupent la route de la lumière. Les fenêtres couinent alors que le chant des oiseaux pénètre dans ma suite. Je grogne et m'enfonce dans mon lit, faisant mine de ne pas vouloir me lever. Marguerite me secoue un peu, puis, comme je reste immobile, me retire la couverture d'un coup sec.

Mes paupières s'ouvrent au moment où le froid mord mon épiderme et je pousse un cri. Je grogne, pas habituée à la luminosité ambiante et me frotte les yeux. Marguerite pouffe face à mes réactions qui n'ont pas changées depuis qu'elle est à mon service. Ces petites habitudes sont devenues un rituel bien ancré dans notre quotidien. Grâce à elles, nous démarrons notre journée du bon pied et la relation qui nous lie – j'aime à penser que c'est de l'amitié... – se renforce à chaque fois.

Je m'étire au moment où Marguerite s'éloigne. Je me redresse sur mon matelas et l'entends s'affairer dans la salle de bain, sans doute prépare-t-elle mes produits de beauté. Je me lève et enfile un déshabillé au moment où l'on toque à la porte. Marguerite se précipite hors du dressing pour vérifier l'identité du nouvel arrivant. Ils n'échangent aucun mot et ma servante s'incline légèrement. Elle referme le battant quand l'un de ses collègues fait demi-tour et me tend une rose bordeaux. Je fronce les sourcils, pas sûre de comprendre ce qu'elle veut. Elle lève les yeux au ciel, soupire et me montre du doigt un ruban de la couleur des pétales enroulé autour de la tige épineuse.

— Qu'est-ce donc ? soufflé-je alors que je m'en empare, la tête encore dans le pâté.

J'examine un peu mieux la fleur et remarque qu'une petite missive est dissimulée dans la soie du ruban. Je reporte mon attention sur Marguerite dont le visage est illuminé par un air attendri. Elle désigne ma bouche et mime une coulure sur le coin de ma lèvre. Je sursaute et m'empresse de m'essuyer avec la manche de ma chemise de nuit.

— C'est pour moi ? l'interrogé-je pour couper court au silence qui s'installe dans ma chambre et détourner son attention. Merci beaucoup. C'est très gentil.

Marguerite secoua la tête, les joues rouges.

— Ah ? Ça vient de quelqu'un d'autre ? Tu sais de qui ?

Elle recommence son geste, sur un pied d'égalité avec moi quant à ce que tout cela signifie, puis elle fixe avec une curiosité mal dissimulée la fleur. Mes lèvres s'étirent en un sourire amusé.

— Tu veux savoir ce qu'il y a d'écrit dans cette lettre, n'est-ce pas ? la taquiné-je en agitant la missive que j'ai au préalable détaché.

Elle me répond par la négative, gênée que je l'ai percée à jour. Alors qu'elle s'apprête à tourner les talons pour préparer ma tenue, j'attrape son poignet et la force à me faire face.

— Reste là. Ta curiosité n'est pas un crime. Viens à mes côtés pour que nous la découvrions ensemble.

Elle déglutit et m'obéit. Nous retournons vers mon lit et nous y asseyons côte à côte. D'un geste lent et précautionneux, j'ouvre l'enveloppe sans la déchirer. J'en sors un papier d'excellente qualité. Son grain est assez fin, presque lisse, et sa couleur cotonneuse rayonne grâce à la lumière qui s'y reflète. Deux lignes foncées se détachent, tranchant avec la pureté du papier. L'encre noire y a été posée avec élégance et délicatesse.

Blood & Flowers 2 - Rose & ThomasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant