Je suis frigorifiée et épuisée. Je viens de passer la pire nuit de toute ma vie : le vent a soufflé si fort qu'il a fait geindre les menuiseries, le froid nocturne s'est introduit par les espaces entre les joints et les murs, puis a envahi toute la pièce. Le matelas sur lequel je suis installée, en dépit des nuisibles, est inconfortable et poussiéreux. Mes yeux me brûlent en permanence, ma peau me démange et ma gorge est semblable aux terres arides de Gaisgeach.
Des pas résonnent dans le couloir. Je me relève péniblement lorsqu'une clef tourne dans la serrure. Je refuse que quelqu'un me voie aussi misérable.
Surtout pas ma belle-famille.
Surtout pas Maé.
Malgré les douleurs qui parcourent mon dos, je me redresse et me tiens droite comme me l'a appris mon professeur de bonnes manières. La porte s'ouvre et la lumière m'aveugle. Je grogne face à cette attaque sournoise, mais n'ai pas le temps de demander à ce que cela cesse, car déjà on m'empoigne les bras.
Je relève les yeux, étonnée et apeurée par ce contact violent. Deux hommes en blouse blanche m'encadrent et me dévisagent. Je déglutis devant leurs regards pénétrants et ne peux m'empêcher de baisser les yeux face à l'insistance dont ils font preuve.
— Bonjour, Rose, dit alors une voix que je connais par cœur et que j'aime entendre malgré les mots durs et cruels qu'elle m'a crachés à la figure la veille. As-tu bien dormi dans ta nouvelle chambre ?
Même si c'est un mensonge, je me contente de hocher la tête. Peut-être qu'ainsi, il acceptera que je revienne à ses côtés. J'ai juste à faire profil bas et ne plus parler de mes cauchemars de loups...
— C'est dommage, car cette chambre n'est plus la tienne désormais. Ces gentils messieurs ont consenti à t'emmener à Gliocas, dans leur maison de repos. Tu rencontreras plein de gens comme toi. Qui sait, peut-être te feras-tu même des amis, pour une fois.
Je papillonne des paupières, hébétée par ce qu'il me révèle. Je détourne mon attention de mon mari pour la reporter sur l'homme à ma droite. La blouse blanche aurait dû me mettre la puce à l'oreille...
C'est impossible ! Il ne peut pas vouloir m'évincer de sa vie.
— Maé, murmuré-je, la voix tremblotante, alors que je prends de plus en plus conscience de la poigne de fer qui entoure mes bras, pourquoi ? Je n'ai rien fait pour mériter cela...
Le médecin a un air faussement compatissant sur le visage. Son sourire hypocrite est censé me rassurer, mais il a l'effet inverse. Je sais qu'ils vont m'emmener loin de mon fils et que j'ai peu de chances de le revoir par la suite.
— Et Adrian ? Il a besoin de sa mère pour grandir convenablement.
— Sauf que sa mère est folle à lier. Ta présence à ses côtés ne peut qu'être néfaste pour son équilibre mental. Et en tant que père, je refuse que tu le voies jusqu'à ce que ton délire avec les loups soit terminé. Sinon, il risque de suivre tes pas et je n'aurais alors plus d'héritier.
Des larmes de douleur dévalent mes joues. Mes cernes foncés creusent mon visage. De la morve coule de mon nez alors que je comprends que mon soi-disant délire n'est dû qu'à des cauchemars dont mon mari tire avantage.
— Messieurs, reprend-il tandis que le silence s'éternise dans la pièce sombre, il est l'heure.
Les deux hommes qui m'encadrent hochent la tête d'un même mouvement. Ils se mettent en marche, m'entraînant dans leur sillage. J'essaie de résister contre leur poigne, en vain.
— Maé ! le hélé-je, des sanglots dans la voix. Maé, je t'en supplie ! Laisse-moi rester à tes côtés ! Je ne parlerai plus des loups. Je serai une femme et une mère exemplaire.
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Blood & Flowers 2 - Rose & Thomas
Werewolf[Tome 2 de "Blood & Flowers"] /!\ Un chapitre tous les mardis et vendredi à 19h00 /!\ Rose doit quitter son train-train quotidien. Henri, son père, devient un soldat de la garde royale et Lila, sa mère, la suivante de la Marquise de Dikaizosyni. Pou...