Je marche doucement jusqu’à chez moi, n’ayant pas très envie d’aller au café aujourd’hui. Même si mes cours m’ont fatigué, et que je ne dirais pas non à une petite soirée tranquille… A vrai dire, j’ai peur de voir Andrea.
Ça me stresse beaucoup trop. Quand il m’a proposé de venir le dessiner chez lui, j’ai directement accepté, sans réfléchir. En fait, je pensais surtout que c’était une proposition faite comme ça, sur un coup de tête, le genre de proposition qu’on fait tout en sachant qu’on ne la réalisera jamais.
Mais non, après m’avoir proposé de venir chez lui « un de ces jours », il a décidé que ce jour devait être… Samedi. Oui, il m’a envoyé un message pour me demander de venir chez lui samedi.
Samedi, après son travail. Le soir. Pour le dessiner, dîner, et « passer la nuit chez lui ». Ça veut dire quoi ça, concrètement ?
Non parce que, même si je commence à me faire à l’idée qu’il me plaise et que j’apprécie de flirter avec lui, je n’avais pas pensé au fait que je devrais avoir des relations… Plus intimes avec lui pour le moment.
Peut être qu’Andrea ne pensait pas du tout à ça en m’invitant chez lui, mais malheureusement, la plupart des hommes sont centrés sur ce genre d’activités. Pourquoi est-ce qu’il m’aurait invité à dormir chez lui, sinon ?
J’avoue que je serais un peu déçu, s’il flirtait avec moi uniquement pour ça, parce que je commençais vraiment à m’attacher à lui… Mais peut être que c’est normal, que c’est comme ça qu’un flirt est censé se terminer ? C’est comme ça qu’on drague, une fois adulte ?
Même si je ne suis pas spécialement anxieux de nature, toutes ces questions me font angoisser. Je n’y connais rien, moi, je ne sais pas ce qu’on est censé faire dans ces cas là… Je n’ai même jamais embrassé quelqu’un alors…
Enfin non, je mens, il y a eu cette Julia, quand j’étais en primaire, et cette Léonie au collège. Mais ce sont les uniques personnes que j’ai embrassé avant de me rendre compte que… Les filles ne m’intéressaient pas du tout.
- Eliott, stop, je marmonne en secouant la tête.
Me prendre la tête avec toutes ces questions ne sert absolument à rien, ce n’est pas comme si ça allait changer quoique ce soit. Peut être qu’il faudrait que j’en parle avec quelqu’un… Mais qui ?
Je n’ai pas vraiment de réels « amis » avec qui je serais assez proche pour discuter de tout ça, j’ai quelques potes comme Léo, mais personne avec qui je pourrais aborder ce genre de sujets… Et ma mère ? Non, encore moins.
On a beau être proches, et même si je lui ai déjà brièvement parlé d’Andrea dimanche dernier au téléphone, je ne me sens pas de lui parler de tout le côté sexuel. On n’a jamais parlé de tout ça, vu que j’ai toujours été célibataire, et j’aimerais éviter de commencer maintenant.
Ce n’est pas que je n’ai pas d’envie ou de libido, au contraire, mais je ne pensais pas du tout devoir faire quoique ce soit pour le moment. Bien sûr, rien ne m’y oblige, mais il vaut mieux être préparé à toutes éventualités.
Avoir mes premiers rapports avec Andrea… Ça ne me dérangerait pas, mais bon… Je n’y connais rien, et lui a déjà vingt-deux ans, il doit avoir l’habitude de ce genre de choses…
Est-ce que je devrais acheter des préservatifs, au cas où ? Le plus simple serait d’en parler directement avec Andrea… Mais si nous ne sommes pas du tout sur la même longueur d’ondes, ça risque d’être gênant…
Je m’arrête de marcher et secoue de nouveau la tête, pour mettre fin à toute cette agitation.
- Oh, je sais !, je m’exclame.
Je farfouille dans mon sac jusqu’à en sortir mon porte monnaie, et je sors une pièce de deux euros.
- Pile, j’y vais, face, je rentre.
Je jette la pièce, essaye de la rattraper mais elle tombe évidemment par terre et roule pendant plus plusieurs mètres. Après avoir couru pour la rattraper, je regarde le résultat, et…
Bon.
Pile.
Je mets la pièce dans ma poche, et change de chemin. Direction le centre commercial. La vie a décidé : je dois acheter tout ce qu’il faut, au cas où.
Je vais directement au rayon où se trouve les « objets sexuels », comme les préservatifs et le lubrifiant, mais je me liquéfie en voyant la taille de celui-ci. Il y a tellement de choses… Tellement de modèles différents, de tailles, de marques, de… Goût…
Qu’est ce que je suis censé prendre ? Est-ce que je dois prendre des préservatifs à ma taille, ou… A la sienne ? C’est vrai que ça aussi, c’est un sujet auquel je n’avais pas pensé… Décidément, cette soirée est un enfer.
Je commence même à envier la chance qu’ont les hétéros. Ils n’ont pas à se poser toutes ces questions, au moins. Enfin, j’imagine.
Je soupire, puis prends plusieurs boîtes de différentes tailles, au cas où, et prends aussi un flacon de lubrifiant inodore. C’est sûrement mieux que de se retrouver avec une odeur de banane entre les pêches.
Je profite d’être dans un supermarché pour faire quelques courses, notamment pour ne pas passer pour un taré du sexe qui n’achète qu’une dizaine de paquets de préservatifs de tailles différentes. Je ne veux même pas penser à ce que les gens pourraient imaginer.
Après être passé par les caisses automatiques (hors de question qu’un caissier me voit passer avec tout ça), je me remets en route vers mon appartement.
En regardant mon téléphone, je vois justement un message d’Andrea. Celui-ci me demande si je passerais ce soir. Je lui réponds négativement, et il m’envoie une photo de lui faisant la moue en me disant qu’il espère que je viendrais demain.
Mais à vrai dire, je ne fais pas trop attention à son message. Je ne fais attention à rien, je ne bouge même pas d’un poil. Je reste juste planté là, au milieu du trottoir, un sac plein de préservatifs dans les mains, à fixer mon téléphone.
A fixer la bouille d’Andrea, un sourire sur les lèvres.
C’est la première fois qu’il m’envoie une photo de lui. Et le pire, c’est qu’il est vraiment adorable dessus.
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Un café, trois sucres et un serveur
Ficção AdolescenteUn jeune dessinateur en première année de faculté d'art, plutôt solitaire, rencontre grâce au hasard de la vie un homme solaire, plein d'humour et de facéties. Même si rien ne semble les lier au départ, rapidement, les rayons du second perceront la...