Je suis tranquillement assis à mon bureau, peaufinant le dessin de mon magnifique Chat Potté. Je l’ai quasiment terminé, il ne me manque plus qu’à faire quelques derniers détails, comme terminer les reliefs des bijoux qu’il porte ou encore les ombres de son chapeau.
Je suis plutôt fier de moi, dans l’ensemble. Certes, il m’a fallu plusieurs jours avant de sortir ne serait-ce qu’une ébauche correcte, mais j’ai quand même fini par dessiner quelque chose de pas mal. Je dirais même quelque chose de joli et d’original. Le seul truc, c’est que l’idée ne vient pas de moi.
D’ailleurs, en repensant au serveur du café… Il était plutôt mignon. Je devrais essayer de le dessiner, un de ces jours. Enfin, s’il n’est pas viré d’ici là. Vu son comportement avec les clients, je ne suis pas sûr qu’il reste là longtemps…
Je secoue doucement la tête, histoire de me sortir ce serveur de la tête, et je me remets à dessiner. Il faut que finisse ce dessin au plus vite, car j’ai encore tout un oral à préparer derrière… Ce n’est pas si facile qu’on le croit, une école d’art. Malheureusement, on ne passe pas juste nos journées à dessiner tranquillement assis sur un tabouret. Non, on a aussi des oraux, des dissertations, et même la pire matière qui soit : l’histoire.
Je dois dessiner pendant une bonne petite heure, puis une fois que j’ai enfin donné mon dernier coup de crayon, je me mets à réfléchir à ce que je pourrais dire dans ma présentation orale. Mon dessin est là pour représenter la luxure et l’avarice de notre société, tout son côté superficiel.
Malheureusement, plus on avance dans le temps et plus le monde ne souhaite qu’une chose : l’argent. L’argent achète le monde, l’argent est le carburant de nos sociétés. Et plus on avance, plus le monde devient cher, plus les gens se tournent vers le luxe.
Ça a des côtés positifs, car voulant travailler dans le design et dans la mode, je suis presque sûr que j’aurais toujours des intéressés, mais c’est quand même malheureux…
Je suis coupé dans mes réflexions par la sonnerie de mon téléphone, qui me fait sursauter. Sans surprise, il s’agit de ma mère, la seule personne ayant des raisons de m’appeler.
- Allô ?, je lance en décrochant, presque machinalement.
- Coucou Eli’, c’est maman !
- Je sais, ton nom s’affiche quand tu m’appelles, je te rappelle.
- Comment tu vas ?, me demande-t-elle en ignorant mes commentaires, ce qui m’arrache un sourire.
- Ça va, je dessinais. Et toi alors ? T’as pu voir mamie ?
- Oh, ne me parle pas de mamie ! Si tu savais ce qu’elle a encore fait !
Ma mère me raconte les aventures de ma grand-mère à la maison de retraite où elle loge depuis maintenant quelques années, et où elle a réussi à faire régner sa loi. En même temps, quand elle est avec son amie Josette, rien ne les arrête. La dernière fois que j’y suis allé, elles ont fini par voler la canne d’un vieux qui les avait battu au Blackjack, et elles sont parties en roulant comme des folles avec leurs fauteuils. C’était la course poursuite la plus drôle que l’humanité ait jamais connue.
Je discute avec ma mère pendant un moment, commentant parfois les histoires qu’elle me raconte. Ma mère est une vraie pipelette (en même temps, elle a de qui tenir), ce qui fait qu’essayer de placer une phrase complète pendant un appel avec elle est presque un sport olympique.
- Mais dis moi, comment va la fac ? Est-ce que tu as eu de nouvelles notes ?
- J’ai un projet de dessin à faire pour la semaine qui arrive, et j’ai un oral à préparer dessus.
- Ah ! Et alors ? Tu l’as fini ?
- J’ai fini le dessin tout à l’heure, oui, et j’allais commencer à préparer l’oral avant que tu m’appelles.
- Tu dois rendre tout ça quand ?, me demande-t-elle. Lundi ? Mardi ?
Je soupire, sans me départir de mon sourire. J’aime ma mère, mais discuter avec elle est vraiment compliqué. A chaque fois, je finis par me sentir comme si j’étais en plein interrogatoire de police. C’est insupportable.
- Mon oral est jeudi, mais ça va, je l’aurais bientôt fini. Je vais passer mon weekend dessus, et ça devrait suffire.
- Tu es sûr ? Ne néglige pas tes études, hein ! N’oublie pas que c’est ce qu’il y a de plus important !
- Je sais, maman. Je sais.
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Un café, trois sucres et un serveur
Fiksi RemajaUn jeune dessinateur en première année de faculté d'art, plutôt solitaire, rencontre grâce au hasard de la vie un homme solaire, plein d'humour et de facéties. Même si rien ne semble les lier au départ, rapidement, les rayons du second perceront la...