Souvenirs et première image.

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C'est l'odeur des croissants et du pain grillé qui me réveilla le lendemain matin. Une douce luminosité rentrait par la fenêtre de ma chambre. On était samedi aujourd'hui, et je me réjouissais de ne pas avoir cours. Je m'étirais dans mon lit avant de poser mes deux pieds sur le sol. Les cheveux ébouriffés, je baillai en m'en décrochant la mâchoire.

Les souvenirs de la veille me revinrent et je soupirai. J'espérais juste que mon père allait mieux qu'hier.

La tête encore endormie, je descendais les escaliers pour arriver dans le salon et la cuisine. Je vis les croissants, le pain grillé ainsi qu'une grosse carafe de jus d'orange sur l'îlot central. Sauf que ce n'était pas mon père aux fourneaux.

- Bonjour Mamie.

Ma grand-mère se retourna avec un immense sourire sur ses lèvres. Comme d'habitude.

– Bonjour, mon p'tit chéri, comment ça va ce matin ?

Je lui fis un câlin rapide et un baisé sur la joue. Je m'assieds sur un tabouret de l'îlot central et soupirai en appuyant ma tête sur mon bras. Il est parti. Encore.

Je ne répondis pas à la question et demandai :

– Il est parti déjà ? On est samedi, il pourrait rester un peu à la maison.

Elle vida du jus dans un verre et le mit devant moi avec un sourire contrit.

– Ton père m'a appelé ce matin très tôt, en me demandant de prendre soin de toi et de t'embarquer pour l'après-midi. Il reviendra peut-être te chercher ce soir après son débat sur TF1.

Je ne répondis toujours pas, les yeux dans le vague. C'est vrai que je ne devais pas être là quand Stéphane allait revenir reprendre ses affaires ici. Je piochais en petit morceau de croissant avec ma main libre. Je vis du coin de l'œil la femme s'asseoir à mes côtés. Elle mit sa main sur mon dos et le frotta légèrement.

– Est-ce que tu veux qu'on en parle ?

Je n'avais même pas besoin de demander de quoi elle voulait parler. Bien sûr, ma grand-mère savait déjà ce qui s'était passé cette nuit.

Je soupirai, encore, en prenant un petit bout de croissant maltraité et le fourrai dans ma bouche. Je regardais toujours cette tache sur l'ilot en bois.

– C'est qui, Mamie, Bardella ?

Un blanc passa dans la cuisine, et lorsque je trouvai les secondes d'attente trop longues, je levai la tête et la regardai dans les yeux. Ma grand-mère avait les yeux fixés sur moi, la bouche légèrement ouverte. Elle secoua sa tête, ce qui fit bouger sa chevelure brune-argentée.

– Pourquoi tu me demandes ça, Silo ?

Je haussai les épaules et enfournai un autre bout de croissant dans ma bouche. Je me mis à jouer avec les miettes du bout de mes doigts.

– Hier, Stéphane a dit qu'il avait honte du comportement qu'avait eu Papa avec ce Bardella. C'est revenu plusieurs fois dans la discussion, alors je me demandais juste... Comme ça.

Je bus une gorgée de mon jus d'orange. J'entendis ma maternelle soupirer et se racler la gorge. Je me demandais pourquoi elle paraissait si mal à l'aise d'un coup.

– Il s'appelle Jordan. Jordan Bardella. Et ce monsieur, c'est l'opposant direct de ton père pour élire le nouveau président. Tu sais que Papa soutient monsieur Macron.

Je hochais la tête en signe de compréhension. Elle continua :

– Et bien, Jordan Bardella soutient lui la cause de Marine Le Pen. Le camp opposé à celui de ton père. Les deux sont censés se détester.

Dans les yeux d'un fils.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant