Je l'aimais bien

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C'est la voix de mon père qui me réveilla. Je me sentis lourd, mon corps épuisé était ancré dans le canapé, comme si cela faisait des jours que j'étais allongé. Ma tête était encore embrouillée de la crise ou du sommeil, je ne savais pas. J'avais l'impression d'avoir des fourmillements derrière les yeux et d'être engourdis de tout le visage. J'avais mal à la gorge. C'était très désagréable. Je sentais un tissu doux sous mon visage et quelque chose me caressa doucement les cheveux. Cela apaisait légèrement mon mal de tête.

Les voix que j'entendais se firent plus distinctes et j'entendis aussi la voix de ma grand-mère.

- C'est à toi de voir Gabriel, mais il a tout de même réussi à calmer une crise que toi-même avais du mal à gérer quand il était enfant. Il l'a ramené sain et sauf. Ce n'est pas le comportement de quelqu'un qui veut à tout prix vous détruire. Tu aurais vu son inquiétude. J'avais l'impression qu'il connaissait Siloé depuis toujours.

- Je comprends vraiment, mais il est hors de question que je nous mette en danger comme je l'ai fait ces dernières heures. Je ne veux pas que Silo s'attache à lui. Tu le connais, maman, il aime tellement rapidement.

J'entendis ma grand-mère soupirer, elle lui répondit :

- Qu'est-ce que tu vas faire alors ?

La main qui me caressait mes cheveux s'arrêta un moment et mon oreiller, qui était en fait les cuisses de mon père, bougea légèrement comme s'il s'apprêtait à prendre une décision dérangeante.

- Rien. Je vais le laisser chez toi, le temps que les élections finissent. Et reprendre mes distances avec le camp opposé. Bardella a déjà trop de cartouche pour créer un scandale.

Je crus avoir un petit pincement au cœur. Même si j'avais détesté Jordan au début, finalement, je l'aimais bien. Ne plus le voir me rendait un peu triste. Je ne comprenais pas pourquoi mon père se méfiait autant de lui. Les enjeux étaient bien trop compliqués pour ma compréhension d'ado. Mais cela avait l'air d'être une situation difficile. Je ne pus m'empêcher de penser que Stéphane avait peut-être réussi son coup. Et je le détestai encore plus. C'était lui qui avait rendu mon père triste en premier. C'était lui qui avait dit des mauvaises choses, qui avait hurlé. Pourquoi Papa le croyait ? Ses paroles me revenaient en mémoire et je senti une nouvelle angoisse me monter dans l'estomac. Avant de la laisser me gagner totalement, j'ouvris les yeux et appuya ma joue plus fortement contre la jambe de mon père en inspirant fortement, respirant l'odeur de lessive qui me réconfortait tellement. Je senti la main de mon père me frotter le dos.

- Comment tu te sens, mon cœur ? Me demanda mon père d'une voix douce et affectueuse.

Je ne répondis pas, et difficilement je me relevai du canapé. J'ancra mon regard dans le sien et y vit de la fatigue, de la lassitude et de l'épuisement. Mais une petite lueur d'amour s'éclaira lorsqu'il me regarda.

Doucement, je soulevai mon corps et m'asseyais sur ses jambes. Je posai mon profil contre son torse, la tête sur son épaule, en appuyant mon dos sur l'accoudoir du canapé. Les bras de mon père se resserent fortement autour de mon corps et il enfouit son nez dans mes cheveux. Il prit une grande respiration, comme à son habitude.

Je me recroquevillai contre lui tel un jeune enfant et j'aurais presque eu envie de sucer mon pouce de confort. Je réalisai que mon comportement était très enfantin, que j'étais trop grand pour me blottir ainsi contre mon père, mais j'avais besoin de me sentir réconforté. J'étais tellement fatigué.

Le silence, ce fit quelques minutes, nous profitions tous les deux de l'étreinte familiale et du calme de la maison. Mon père avait commencé à chantonner en se balançant légèrement de droite à gauche pour me bercer. Puis, une question me revint en mémoire. Je murmurai doucement sur son épaule , ma voix enrouée de mes sanglots passés :

Dans les yeux d'un fils.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant