Cela fait 2 semaines que nous sommes revenus de Grèce. Un moment hors du temps qui nous a tous fait beaucoup de bien. J'ai pu prendre le temps d'écrire et nous avons enregistré plusieurs sons pour le s-crew et pour le nouvel album de Sneazz.
Je n'ai pas revu Noa depuis. Depuis notre retour, la vie parisienne a reprit son cours et plus personne n'a de temps pour rien. Elle a recommencé à nager, continue à travailler à l'hôpital, écrit sa thèse, s'occupe de son association avec des meetings. Et moi? Je rumine toute la journée en pensant au fait que je n'ai pas eu les couilles de lui parler sincèrement ce matin là. Quand elle m'a dit qu'elle ne voulait rien changer de moi. Moi j'ai peur de la changer elle. Je suis instable, je suis torturé et je déteint sur mon entourage je le sais. Pourtant elle a l'air au courant, elle a l'air si confiante si intouchable. De toute manière, que viendrai faire un type comme moi dans la vie d'une fille comme elle. Jamais je n'aurais pensé ressentir ça. Déjà ressentir autant d'attirance pour une seule et même personne. Mais ensuite sentir qu'elle n'a pas besoin de moi. Sa vie va à mille à l'heure, elle excelle partout, dans tout et dans un monde à l'opposé du mien. Nous n'avons rien à voir l'un avec l'autre et pourtant j'ai l'impression qu'elle est exactement ce qui me manque. Je m'étais promis que rien ne serait mieux qu'être amis parce que l'amour rajoute un poids sur les relations. Il attire les problèmes. Mais je ne peux pas faire autrement, je sens que tout est plus fort qu'avec n'importe qui. C'est incontrôlable. Et ce qui est magique c'est que sans les mots, nous savons tous deux qu'il y a de l'amour. Nous le sentons, cela transpire à travers tout nos pores. Alors peut-être que c'est mieux de ne rien dire pour le moment. Mais je sens constamment que j'en veux plus, au delà de l'attirance émotionnelle vient l'attirance physique qui ne cesse de me torturer chaque jour.
Comme un con je n'ai toujours pas son numéro. D'un côté j'aime ça. Cultiver le manque et profiter au maximum des moments où nous nous voyons. Mais d'un autre on ne se voit jamais donc je n'ai rien pour profiter en attendant. Et je suis frustrée du peu de nouvelle qu'elle prend... comme si j'inventais tout ce que l'on vit parfois et que je n'étais qu'une distraction pour le peu de fois où nous nous voyions.
Mon téléphone sonne. C'est Safwa qui m'invite chez elles pour nous annoncer une grande nouvelle. Quelle drama celle-là, je suis sur que c'est un prétexte pour que je vienne plus rapidement. Et bien ça marche. Comme il est presque l'heure, j'en profite pour aller chez les filles à pieds, non pas que j'ai encore et toujours besoin de réfléchir, je le fais trop, mais j'ai besoin de marcher.
J'arrive à la coloc vers 20 heures soit très tôt pour mes habitudes. La petite table du salon est jonchée de gâteaux apéros, de petits cakes et autres préparations que Safwa réussit tant. Les gars sont presque tous déjà présents mais pas Noa. J'apprends vite qu'elle est encore au travail. Est-ce qu'un petit corps comme le sien peut survivre à ce rythme sérieux ?« Bon les gars, j'ai une grande nouvelle
- T'es enceinte ? De qui? Que je le nique ce bouffon crie Framal en se levant du canapé le poing en l'air pour rire.
- Non... rigole-t-elle... Je suis acceptée à Londres pour un collaboration avec un grand laboratoire là bas qui veut bien financer une partie de ma thèse. Je pars la semaine prochaine.
- Énorme ma Saf !! dit Mekra en l'enlaçant. Tu pars pour combien de temps ?
- Entre 3 et 6 mois ça va dépendre du taf là bas. Je suis si heureuse !! »
Tout le monde ne cesse de complimenter Safwa, qui nous raconte en détails son projet Londonien.
- Mais alors tu laisses Noa solo ? Dis-je
- T'inquiète Ken, elle saura très bien se débrouiller seule 6 mois ta petite Noa.
- Et au pire on sait que tu voudras bien te dévouer pour lui tenir compagnie dit Mekra un sourire pincé au coin des lèvres »
Oups. Touché.
Nous continuons le diner qui très vite se transforme en soirée où nous décidons d'aller en boîte pour fêter la réussite de Safwa. Je me suis un peu lâché sur la bouteille de sky qui commence à bien faire son effet une fois dans le noir sous le mouvement énergique des néons. Nous nous installons dans un carré vip entouré de plusieurs groupes de meufs qui remarquent rapidement notre petit groupe. Alors que je suis accoudé à la barrière du balcon qui surplombe la boîte, une grande blonde trop maquillée s'approche de moi. Elle commence à me susurrer des conneries dans l'oreille ce qui m'irrite au plus haut point. Tout est vide dans ce qu'elle me dit et elle répète les mêmes phrases bateau d'accroche que j'ai déjà entendu milles fois.
Elle pose même ses mains sur mes épaules cette folle. Mais j'avoue que je suis bourré et fatigué alors je ne bouge pas d'un iota. Petit à petit, voyant que je ne suis pas du tout réceptif, la blondinette se lasse et me laisse enfin tranquille.
Nous rentrons tranquillement chez Safwa qui habite le plus près et dormons tous entassés sur les canapés.Le réveil pique. Il est 11 heures. Les garçons sont tous partis, Safwa est levée et se fait couler un café, elle a l'air inquiète.
« Ça va ma Saf ? Lui dis-je en me levant difficilement
- Noa était de garde hier soir mais normalement elle fini à 8h, elle est toujours pas rentrée je sais pas pourquoi et j'ai pas de nouvelle.
- C'est vrai que ça fait long là... T'as essayé de l'appeler ?Au même moment, la porte s'ouvre lentement, et je vois Noa affichant une petite moue, retirer ses chaussures et se diriger vers sa chambre sans même un regard pour nous.
Safwa frappe à sa porte doucement. « Ça va chérie ? ». Noa sort alors, les larmes aux yeux, et se jette dans ses bras.
« Oh qu'est-ce qu'il s'est passé meuf raconte moi. » Elle sanglote. J'ai envie moi aussi de la prendre dans mes bras. Elles se dirigent vers le salon avant de s'y asseoir, Noa toujours en larmes. Je les rejoins.
« J'ai eu une complication sur un patient de 20 ans... J'ai pas pu le sauver... Il est parti si vite c'était affreux... Dit-elle entre deux sanglots
- Oh chérie ce n'est pas de ta faute enfin
- Il a saigné... J'ai rien pu faire... en 30 minutes il est parti... J'ai massé mais..... »
Safwa la prend dans ses bras. Nous ne disons rien, l'écoutant pleurer en silence. J'ai le cœur crevé de la voir comme ça, surtout en sachant son histoire avec sa petite sœur et la culpabilité qu'elle traine de ne pas avoir pu la sauver. J'ai envie d'essuyer ses larmes, de la réconforter mais je pense qu'aucun mot ne peut soulager la peine qu'elle ressent.
Je prends alors pleinement conscience du poids qui repose sur ses épaules constamment. Non seulement le deuil qu'elle vit depuis des années qui ne guérira jamais mais aussi celui des patients qui partent chaque jours. Personne ne peut apprendre à réagir à ce genre de situation. Ni à en survivre. Elle a 25 ans et porte déjà sur elle le poids de la vie. Faut vraiment que j'arrête de me plaindre. Y a tellement pire en ce bas monde.
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Tout avoir
قصص عامةNoa est une jeune étudiante en médecine, championne de natation, elle vit à 100 à l'heure en essayant de suivre le rythme et d'y ajouter du temps pour la famille, quelques amis et les sorties. La pièce manquante à cet univers presque plein à craquer...