15. Noa

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Je boucle mes derniers calculs, rédige quelques phrases de mon journal de bord et ferme enfin l'ordinateur. Une thèse c'est un enfer, jamais un moment de réel répit on y pense toujours un peu. Vivement que je finisse, même si je n'en suis qu'aux prémices... Mais bon, il y a la crémaillère de Julie ce soir, beaucoup de monde, alors il faut que je me prépare pour ressembler à autre chose qu'à une étudiante en médecine en détresse.
Comme à ses habitudes, Julie voit les choses en grand, pour son 4e appartement consécutif elle a organisé une plus grosse crémaillère que pour les 3 précédents, sur le thème de la décadence, mais chic. Un tableau pinterest était joint aux invitations montrant des idées de décorations et tenues appropriées à son « évènement ». Peu de tissu, beaucoup de peau. J'adore.
J'enfile donc un soutien-gorge en dentelle noire, une mini-jupe noire et un blazer. Enfile le plus de bijoux possibles pour détourner l'attention et coiffe mes cheveux en queue haute laissant mes boucles faire le travail de volume. Des talons pas trop hauts et je suis en route. Martin et Amel y sont déjà et ne m'ont pas attendue car j'ai fini de travailler tard...
La musique s'entend de la rue lorsque mon taxi me dépose devant l'entrée. Les lumières roses fusent à travers la fenêtre, la fumée et les rires s'échappent du balcon.
Je sonne et monte dans ces sublimes escaliers anciens qui craquent sous mes pas.
C'est Martin qui m'ouvre :
« Julie est déjà ravagée, mais je suis là pour t'ouvrir mon cœur. Dit-il en me tendant une boite en forme de cœurs remplie de joints pré-roulés.
-    Bizarres les bougies du gâteau dis donc
-    Tu prends 10 ans par flamme oui. Me cri-t-il dans pour se faire entendre avec la musique.
-    On connait du monde ? lui demandais-je en faisant un tour rapide des yeux de l'assemblée
-    Oui quelques-uns mais y a beaucoup trop de gens j'ai pas encore fait le tour, l'appart est immense c'est indécent. »
En effet le mot indécent est approprié. Déjà il y a une salle de bain entière pour une entrée, une entrée je répète !! Ses chaussures ont leur propre lit. Puis nous arrivons sur un immense salon aménagé comme dans les magazines de décoration ouvert sur une luxueuse cuisine noire mat et dorée. Le tout entouré d'une belle véranda donnant sur une grande terrasse balcon sur lequel donne la baie vitrée de la chambre. Cela me rappelle un peu l'appartement dans lequel nous avons cohabité avant, un des nombreux de son père, pour lequel elle me louait une chambre pour rien du tout comparé au loyer exorbitant que valait probablement ce logement. Une grosse masse énergétique me sors alors de mes pensées en me sautant dessus. C'est Julie, sublime comme toujours avec ses longs cheveux blonds légèrement ondulés. Elle m'enlaces, et me tend un shot.
« Pour fêter ce gala, fêter ta personne merveilleuse
-    Et fêter la mannequin de luxe qui nous accueille aujourd'hui. Lui répondis-je en feignant une révérence.
-    Et surtout fêter papa qui a encore tapé fort avec cet appart. Dit-elle en riant »
Nous trinquons et buvons avant de rejoindre un groupe de personnes dans la cuisine. Julie tapote sur l'épaule d'un garçon, grand, très mince, les yeux bleu électrique :
« C'est Paul, mon mec, on s'est rencontrés sur tinder mais on dit à tout le monde que c'était sur un shoot, Paul je te présente Noa ma docteure. Hurle Julie en prenant soin de bien articuler trop ses mots sous l'effet de l'alcool.
-    Enchantée Paul. Luis dis-je en souriant et en tendant ma main ironiquement
Celui-ci me répondit d'un haussement de sourcil puis détourna le regard et parti. Je pouffais mais était foncièrement blessée de ce comportement ... ce qui n'a pas empêché Julie de partir danser sans demander mon reste.
Je restais donc là plantée dans la cuisine, seule et un peu honteuse. Alors je décidais de me servir un verre, n'importe quoi. Quand un gobelet noir s'approcha de moi, tendu par une main dont je reconnu rapidement le propriétaire.
« Docteur Carat Bonjour »
Je cru m'évanouir. Je ne pensais pas que si peu de mots pouvaient sonner aussi sexy de la bouche d'une seule personne.
Ken.
Un sourire braqué sur les lèvres, j'ai dû ressembler à une pauvre enfant retrouvant sa mère après s'être perdue dans la foule.
« Je vois que vos apparitions en société sont fort bien choisies. Lui dis-je
-    Oui malheureusement, je ne crains que les gens commencent à comprendre qui est ma cible à toutes ces belles soirées.
-    Oh. Fis-je choquée, Voudriez-vous me dire quelle est-elle ?
Il se pencha alors vers moi, effleurant mon poignet pour m'approcher et me dire
« La nourriture des buffets bien sûr »
Son visage affichait un sourire malicieux, content de ce sous-entendu.
Il m'a ainsi présenté Doums et Alpha avec lesquels j'ai beaucoup parlé de leurs projets, de musique, car je n'avais pas vraiment beaucoup d'autres centres d'intérêt avec eux. Nous avons tous des vies bien différentes, moi la petite académique ayant bien suivi le chemin de l'école et eux auto-entrepreneurs, artistes et célébrités de renom.
Ken n'était pas souvent disponible, toujours entouré de plusieurs personnes et beaucoup de filles, il était presque plus au centre de l'attention que Julie. D'ailleurs ces deux-là semblaient avoir tourné la page sur leur histoire ayant chacun comprit que cette nuit ne se reproduirait plus mais sans regret.

Après plusieurs conversations toutes plus superficielles les unes que les autres, noyant mon ennui dans mes verres, je décidais d'aller prendre l'air sur le balcon pour faire descendre un peu l'alcool bien monté à présent. Un groupe de mecs me firent signe d'approcher et me tendirent un joint que je refusais poliment.
« C'est gentil je fume pas.
-    T'es trop parfaite princesse, tu veux te marier c'est ça ? me dit l'un d'entre eux
-    C'est une proposition ? lui fis-je
-    Je sais pas tourne sur toi-même voir que je puisse apprécier si ça vaut le coup, dit-il amusé, encouragé par ses potes
-    C'est pas dans tes moyens petit. dis-je en commençant à être agacée
-    Oh je pense que t'as pas idée des moyens que j'ai, surtout quand il s'agit de ptites meufs dans ton genre on me résiste pas souvent... Il rit puis me fixe du regard. Ou alors je deviens sévère. T'aimes ça toi quand c'est sévère je suis sûr.

Génial, un bon petit cliché de fils à papa friqué pour qui tout est dû et qui ne respecte rien ni personne pensant que l'argent peut tout acheter. Malheureusement cette soirée est infestée de ces petits cons, qui s'encouragent et se soutiennent dans leurs vices. Le petit merdeux s'approche de plus en plus de moi en me crachant ses mots pourris. Alors je décide de me mettre de front, et m'avance à mon tour vers lui.
« Écoute moi bien ma puce, avec tout le respect que je ne te dois pas, je pense que tu devrais reculer d'un pas et faire gaffe à ce que tu dis. Lui dis-je la main vers lui
-    Wow ça y est la lionne est de sortie, j'aime bien, c'est mes préférées celles-ci elles font genre de résister mais tombent toujours sous le charme, dit-il en regardant ses potes qui répondent en faisant des bruits de chien.
-    T'appelles ça charmer quand on fait sa première fois avec une pute de luxe dans un hôtel ?
Ses potes rigolent alors un peu et je comprends que j'ai visé juste.
-    Puis lâche ce joint c'est mauvais pour garder le cap au lit, faudrait-pas qu'en plus d'être un assisté par tes parents tu sois impuissant. Renchéris-je
Là il s'approche un peu plus, me dépasse d'une tête et se penche vers moi
-    Tu sais à qui tu parles j'espère ?
-    Je crois que j'en ai rien à branler lui-dis-je immobile.
-    Tu sais ce qu'on fait aux petites folles comme toi ?
-    Moi je sais que j'ai la plainte facile me cherche pas pinocchio.
-    Mais qui va te croire toi ? Tu vas débarquer au comico avec ta mini-jupe et tes seins à l'air, comment tu serais crédible ?
Je suis effrayée mais faut que je tienne bon, il faut qu'il comprenne qu'on sait se défendre et que ce n'est pas une manière de parler à une femme. Mais je n'arrive pas à répondre, je commence à être réellement mal. Il commence à m'attraper par le poignet avec une force que je ne lui attendais pas.
-    Hein ? Tu veux aller où comme ça ? aboie-t-il
Soudain il recule brutalement, il y a été contraint c'est sûr mais par qui ? Je vois maintenant qu'il est à terre, qu'il se fait frapper durement au visage par un mec. À côté, Doums, pousse violemment plusieurs de ses potes à la manière de Mekra. Je distingue alors que c'est Ken qui s'en prend au bourgeois. J'attrape alors son poing en vol, le tire en arrière, et il s'arrête net.
« Ça n'en vaut pas la peine, viens. » Lui dis-je.
Il me prend la main, essouflé et me suis dans la chambre de Julie. Il me regarde fixement, les yeux imbibés de sang, le souffle court.
« Je suis désolé que t'aie à vivre ça, putain je suis désolé. » Dit-il. Je vois ses larmes monter.
Qu'est-ce que ce garçon a pu vivre pour être aussi touché par cette scène ?
Je le prends alors dans mes bras, instinctivement. Il me repousse alors doucement, me regarde dans les yeux et me dit : « Non mais Noa c'est à toi d'être consolée, qu'est-ce que tu me fais là ? » Il passe ses bras au-dessus des miens, et me serre contre-lui. Je peux sentir son parfum très léger derrière cette odeur de tabac froid presque chaleureuse. Je sens désormais surtout un attroupement sur le balcon et autour de nous.
« Qu'est-ce qu'il se passe ici c'est quoi ce délire ? Hurle Julie devant son invité au sol. Elle détourne son regard vers nous, puis vers les mains de Ken. « Vous foutez quoi putain ?
-    Ton pote là, c'est un putain d'agresseur sexuel, il vient de menacer Noa avec ses vieux potes là. Lui dit Ken
-    Non mais frère y a pas à s'énerver comme ça vous pouvez lui dire de rester respectueux aussi et pas de taper direct réponds-elle agacée
-    Il commençait à me serrer le poignet Julie... lui dis-je doucement
-    C'est pas une raison meuf, faites pas ça chez moi sérieux. Répond-t-elle
Un peu choquée de sa réaction, je décide de partir, la soirée a assez duré, Martin et Amel sont déjà partis, il est temps pour moi aussi et je suis déçue de Julie.
« Bien, je vais y aller, désolée que t'aies dans ton entourage des merdes dans ce genre et que tu les défendes. » Lui dis-je en passant brusquement devant elle.
Ken me suit et sort avec moi. Doums, Mekra et Alpha proposent d'aller boire un verre ailleurs dans un bar-boîte sympa du quartier et j'accepte.

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