5. Noa

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Nous sommes vendredi. Je crois que c'est la première fois que j'arrive a m'endormir la veille de ce jour. Il est 9h. Pas mal. Aujourd'hui marque la 5ème année où je t'ente d'avancer, que je tente de guérir la plaie qu'est devenue mon coeur, que je tente de vivre sans ma soeur.
J'attrape le bouquet de roses blanches livré hier. Après d'interminables heures dans les transports, je me retrouve finalement là, devant sa tombe. Il est 12h et le gardien m'a ouvert spécialement.
Je ne tarde pas, pose le bouquet et m'agenouille un instant. Une larme roule le long de la joue.
« Salut ma douce, j'espère que tout va bien pour toi, tu nous manques »
Ma voix se brise. J'ai l'impression qu'elle va me répondre. Que je vais recevoir un signe d'elle. Des pensées magiques sadiques me traversent, me laissant croire qu'une âme flotte au dessus de moi et tente de communiquer. Je ferme les yeux et laisse le silence envahir cette scène douloureuse. Mes yeux s'ouvrent après quelques minutes. Ma vue est floue et je tente de sécher mes larmes. Une ombre apparait sur le marbre gris. Mon père, suivit de ma mère. Les cernes sous leurs yeux montrent qu'ils n'ont pas non plus attendu ce jour paisiblement. Je les embrasse et fond en larmes.
Une fois chez mes parents, pas un mot sur ma soeur, comme si en parler allait nous achever un peu plus encore. Ils me parlent de leur appartement à la montagne qui est en pleins travaux, des voisins qui ont déménagé et du chien qui a ruiné le canapé après être rentré en douce dans la maison un jour de pluie. Aucun ne veut montrer sa peine, comme si pleurer était honteux. Nous ne sommes pas forts dans les lamentations et la tradition familiale est régulièrement d'évincer les sujets tristes ou sensibles. La solitude est bien meilleure pour laisser éclater sa peine.
Le repas passe plus vite que je ne l'aurais pensé.
"Ton gala est bien prévu pour demain? Me demande ma mère
- oui, et devinez quoi?"
Mes parents me regardent attentivement, les yeux tristes mais tentant de ne laisser transparaître aucune émotion.
- Cette année il y a des acteurs et même des chanteurs, maman Stéphane Bern sera même là! Continuais-je
- Oh non tu me charies!! S'exclame-t-elle ? Les lèvres de ma mère s'étirent difficilement et elle place ses mains sur ses cheveux bruns"
Ma mère est professeur d'histoire et Stéphane Bern? Un Historien qui la passionne. Alors autant vous dire que le fait que je le rencontre la rend dingue.
" je lui demanderait un autographe si tu veux !"
Elle sourit puis s'arrête. Les larmes lui montent. Je vois ses yeux vert briller.
" on est si fiers de toi ma chérie
- On savait dès le début que tu aurais un avenir brillant. Renchérit mon père"
Le reste du repas se passe tranquillement. Je quitte la belle maison de campagne de mes parents, prends mon train et voit les paysages de mon enfance s'effacer petit à petit vers la capitale.
Je prend finalement le dernier métro pour rentrer chez moi. Je branche mes écouteurs et démarre alors "scars to your beautiful". Je croise les jambes et regarde par la fenêtre. La rame est presque vide. Je sens alors les larmes monter, mon nez me pique. L'effet de la musique.. . Je tente de les retenir mais à quoi bon. Je regarde autour. Personne que je connais. Une larme chaude perle alors et vient se perdre dans mon cou. Puis une deuxième. Je ne sanglote pas mais la sensation de lâcher la tristesse que j'ai cachée toute la journée me libère. Cette journée restera un cauchemar jusqu'à la fin de mes jours.
Le métro atteint enfin mon arrêt. Je me lève, un jeune homme me laisse passer. Pour une fois que les gens ne sont pas pressés dans cette ville. J'augmente le son de mes écouteurs et marche paisiblement vers mon appartement. Je finis ma balade, attrape mes clés et pénètre dans mon immeuble. Mon seul réflexe a mon arrivée est de prendre mon téléphone et d'envoyer un message à Alexandre.
« Est-ce qu'on pourrait parler? »
**effacer**
La raison reprend le dessus.
Je ravale ma douleur. Je n'aime parler de mes soucis familiaux qu'avec lui. Mais l'humain est plein de jalousie et l'amour nous fait perdre le sens des priorités.
Finalement je fais bien d'être seule.

Tout avoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant