Rebelles

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Kieran sentait la tension dans l'air, une tension si épaisse qu'elle semblait imprégner chaque recoin de la maison. Depuis le hall, il percevait clairement l'aura de son père, une colère sourde et menaçante qui faisait vibrer l'atmosphère autour de lui. Il y avait aussi celle de Faelan, tendue, empreinte d'une rébellion contenue qui n'avait fait que croître au fil des années. Et puis, il y avait le dégoût palpable de Tiernan et Eamon, une répulsion si forte que Kieran pouvait presque la sentir comme un goût amer sur sa langue.

Que se passait-il ?

Kieran, maintenant âgé de quinze ans, se leva de son coin habituel sous la fenêtre. Le poids de ses années d'enfermement, de silence forcé, se faisait plus lourd que jamais. Il n'était plus un enfant craintif, mais un jeune homme dont les sens aiguisés captaient chaque fluctuation dans l'aura des autres, chaque nuance d'émotion qui traversait la maison.

Il s'approcha de la porte, les pas légers, tendant son esprit vers ce qui se passait de l'autre côté. C'est alors qu'il sentit Faelan s'éloigner. Son cœur, qui battait déjà avec inquiétude, accéléra encore. Non. Pas Faelan. Pourquoi partait-il ?

Faelan, son frère, son lien le plus précieux avec le monde extérieur, celui qui avait été son soutien secret, son allié silencieux, s'éloignait. Cela faisait trois ans que Faelan avait cessé de vagabonder comme il le faisait enfant, préférant venir à la fenêtre ou à la porte de Kieran pour lui parler. Il lui échangeait des souvenirs de Poudlard, des récits d'aventures qui faisaient rêver Kieran, lui apportant un réconfort qu'il n'avait trouvé nulle part ailleurs. Faelan avait été une présence constante, rassurante, une lueur dans l'obscurité de son existence.

Kieran se précipita vers la fenêtre, ses mains glissant le long des rideaux épais qu'il écarta avec une urgence presque désespérée. Il posa ses doigts contre le verre froid, essayant de capter une dernière fois l'aura de son frère. Mais elle s'éloignait, s'effaçait peu à peu dans la distance.

Un sentiment de panique commença à monter en lui. Pourquoi Faelan partait-il ? Pourquoi maintenant, alors qu'il était devenu la seule personne sur laquelle Kieran pouvait encore compter ? La sensation de solitude, qui avait toujours été sa compagne, devint soudain insupportable. Le lien qui les unissait, cette fine corde tendue entre l'obscurité de sa chambre et la lumière du monde extérieur, était sur le point de se rompre.

Kieran posa son front contre la vitre glacée, fermant les yeux. Il enviait Faelan, qui pouvait encore fuir, échapper à cette maison maudite. Faelan, qui vivait sans penser à l'avenir, sans être écrasé par le poids d'un destin imposé. Lui, Kieran, n'avait pas ce luxe. Faelan était libre, tandis que lui restait captif, piégé dans ce corps, dans cette maison, avec pour seule certitude les années qui le séparaient encore de son sort final.

Le vide laissé par l'absence imminente de Faelan était déjà palpable, comme un gouffre qui s'ouvrait sous ses pieds. Kieran sentait que quelque chose d'irréparable venait de se produire. Une fracture invisible, mais bien réelle, qui le laissait plus vulnérable que jamais.

Ce soir-là, la tension qui avait imprégné la maison toute la journée culmina dans la chambre de Kieran. Assis à sa place habituelle, les mains tremblantes sous la table, il refusa catégoriquement le repas que Tiernan venait de lui apporter. Son esprit était ailleurs, en proie à une tourmente qu'il peinait à contenir. Faelan s'en était allé, et avec lui, une part de ce qui permettait à Kieran de supporter sa vie de reclus. Cette soirée marquait un tournant, un point de rupture qu'il ne parvenait plus à ignorer.

Tiernan, agacé par le refus de son frère, fronça les sourcils. « Qu'est-ce que t'as ? » grommela-t-il, fixant Kieran avec une irritation grandissante. Mais Kieran resta impassible, sa mâchoire fermement serrée, comme s'il voulait tout simplement disparaître.

MauditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant