PDV : Thorn
Je choisi de porter une de mes tuniques noires comme j'en avais tant. Abariëlle m'avait pourtant conseillé de mettre l'une de ces tenues de démons qui mettaient en valeur mes ailes, mais je n'en avais pas envie. J'enfilai donc mes longues bottes de cuir noir avant de sortir de ma chambre.
A grand pas je traversai un long couloir, pour entrer dans un autre. Je passai porte après porte, escalier après escalier, encore et encore. L'immense château du Roi Démon était un véritable labyrinthe, pour qui ne le connaissait pas. Je passais devant une énième série de vieux tableaux représentants d'anciens illustres démons. Après avoir marché si longtemps pour faire si peu de chemin, je ne pus m'empêcher de marmonner :
- Ce château commence sérieusement à me faire chier...
Enfin, j'arrivai dans un couloir immense, bien plus large que tous les autres. Le sol de celui-ci était couvert d'un tapis rouge sang, brodé d'or et très épais. Sur les murs, en plus des portraits peints des anciens Rois Démons, on pouvait voir de nombreuses autres décorations, qui semblaient plus coûteuses les unes que les autres. On pouvait par exemple apercevoir des statues en argent brut, adossées au mur sur leurs piédestaux de marbre, ou encore des coupes en or, glorifiant les actions passées du Roi, enfermées dans des vitrines en verre.
Tout dans cette pièce semblait plus grand. C'est comme si Rukkia avait pour but de montrer à tous les autres habitants de ce château qu'ils n'étaient rien, comparé à lui-même.
Le long couloir débordant d'opulence débouchait enfin sur une immense porte en bois. Etrangement, elle semblait encore plus solide que le château lui-même, la présence d'un si grand ouvrage à l'intérieur restait d'ailleurs un mystère à part entière. Comment avait-elle atterri là avec sa taille si imposante ? Nul ne savait, et je n'avais pas non plus le temps ni l'envie de m'arrêter sur un détail aussi peu important.
Je m'approchai donc prudemment de la porte, et avant que je ne puisse toquer, elle s'ouvrit sur mon passage. Je m'arrêtai un instant, surpris. J'avoue que je ne pu m'empêcher de penser à tous ces mauvais films d'horreur où les portes s'ouvraient seules et grinçaient tout le temps.
Apercevant un petit démon qui tenait la porte, caché dans l'ombre, je soupirai devant mes propres délires dénués de sens.
En deux grandes enjambées, je fus dans la pièce. Comme à chaque fois que je voyais Rukkia, le Roi Démon, ma seule pensée cohérente fut : "Putain".
Et n'importe qui aurait pensé la même chose, si ce n'est pire. Il y avait de quoi après tout.
A sa démarche, à sa posture, à son charisme, on le voyait immédiatement : un démon, oui, mais pas n'importe lequel. Le Roi Démon en personne.
Il était grand, mince, assis sur sa chaise avec un ennui non dissimulé, il possédait des cheveux noirs comme la nuit qui tombaient autour de son visage. Et quel visage...
Il était beau à en crever, presque trop pour être vrai. Mais il y avait une chose chez lui qui te mettait mal à l'aise, un truc qui te disait que t'avais intérêt à faire gaffe, qui te prévennait qu'au moindre débordement, tu finirait embroché par l'une de ses immenses griffes noires. Ses traits étaient parfaits, mais froids, comme s'il n'avait jamais ressenti une seule émotion que les humains connaissent. Sur son bras, j'apperçu furtivement l'impressionnant tatouage des Démons que tous portaient, et que je portais aussi.
Et puis il avait ses yeux. Rouge vif, éclatants, comme deux braises ardentes, ils te fixaient avec une intensité qui te faisait frissonner, comme s'il pouvait lire dans ton esprit, cela ne m'étonnerait même pas que ce soit le cas, d'ailleurs. Et ces cornes noires, torsadées, qui sortent de sa tête... Elles lui donnaient un air encore plus imposant, presque terrifiant. Ça te rappellais à qui tu avais affaire, au cas où tu aurais pu l'oublier.
Quand il regardait ses sujets, tous pouvaient sentir qu'ils se trouvaient face à un prédateur. Et quand il souriait – si on pouvait appeler ça un sourire – c'était froid, cruel, comme s'il prenait plaisir à voir la peur dans les yeux des gens. Lorsque l'on vit dans le royaume des Démons, on comprend vite que ce Roi là, il est impitoyable, et que s'approcher trop près de lui, c'est jouer avec le feu.
Évidemment, rien de tout cela ne pourrait m'arrêter. Comme si je ne tenais pas à la vie, je ne le saluait jamais comme c'était la coutume ici, d'une révérence profonde. De celles où on devait présenter sa nuque au Roi, qu'il pourrait sectionner d'un coup de poignard rapide s'il n'était pas de bonne humeur.
J'entrai donc dans l'immense salle que je détaillai d'un coup d'œil rapide. Elle était sombre, vaste, et imprégnée d'une atmosphère oppressante. Les murs étaient faits de pierres noires, froides et lisses, qui semblaient absorber toute la lumière, comme si l'obscurité elle-même y avait été sculptée. De lourdes colonnes s'élevaient vers un plafond voûté, si haut qu'on avait du mal à en distinguer les détails. Des torches accrochées aux murs projetaient une lueur rougeâtre, vacillante, qui dansait sur les surfaces comme un feu malveillant, mais n'éclairant jamais vraiment l'espace.
Le sol, en marbre noir veiné de rouge résonnait sourdement à chaqu'un de mes pas, prévenant immédiatement Rukkia de ma présence. Au fond de la salle, contre l'un des grands murs de pierres, se dressait un trône massif sur une estrade surélevée. Il était taillé dans une pierre aussi sombre que le reste de la pièce, mais était orné de motifs sinueux et d'arabesques complexes qui semblent presque bouger sous la lumière. Le dossier du trône s'élevait haut, se terminant en pointes acérées, et les accoudoirs par des griffes en métal brillant.
Autour de la pièce, des tentures de velours pourpre tombaient en lourds plis, contrastant avec l'austérité des murs de pierre. Des motifs inquiétants y étaient brodés, racontant des histoires de conquêtes et de destruction. L'air était chargé, presque suffocant, comme s'il était saturé par une énergie sombre. Il y avait une odeur subtile de soufre, mêlée à celle du cuir ancien et du métal chauffé. Je me trouvais dans le Pandémonium, le cauchemar de tous, y compris des démons. L'endroit dont on parlait dans les histoires pour les enfants lorsqu'ils n'obéissaient pas.
Je vis ensuite, au centre de la salle, une immense table en bois clair qui contrastait singulièrement avec l'atmosphère effrayante de la pièce. Le Roi Démon était assis sur son trône dans une attitude majestueuse. A l'autre bout de la table, je vis Abariëlle, qui dévorait Rukkia du regard, comme toujours.
Mon regard se posa sur une silhouette sombre, debout dans la pièce. Avant que je ne puisse l'apercevoir correctement, elle étendit ses ailes et s'envola par l'immense ouverture qui avait été créée dans le plafond à cet effet. Celle-ci laissait passer la lumière du crépuscule, laissant quelques rayons de lumière éclairer cette pièce pourtant très sombre.
Je serrai les dents, même si je n'avais pu que l'entrevoir, j'avais immédiatement reconnu ce dos, ces ailes noires couvertes de cicatrices et ces tatouages, serpentant sur tout son corps puissant. Nosferatus. Le seul Démon que je ne pouvais pas, mais vraiment pas blairer.
Pendant que je détaillais la salle, le Roi s'était tourné vers moi. De sa voix profonde et glaciale, presque suave il me dit :
- Shinigami, te voilà. Je t'attendais.

VOUS LISEZ
The angel
FantasyUne histoire comme il en existe tant. L'histoire de deux âmes perdues qui ne rêveraient que de se retrouver. Deux âmes, brisées par la haine, par un passé irréversible, brisées par le destin. Un amour impossible par bien des aspects. ~~~~~~~~~~~~~...