Chapitre 9

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PDV : Thorn

Lorsque je me reveillai, j'eut l'impression qu'un monstre me martelait l'intérieur du crâne. Cette journée s'annonçait très très mal. Avec un gémissement de souffrance, je me redressai difficilement sur mon lit, serrant le drap de mes deux mains, tentant de calmer la douleur qui m'enserrait la tête, en vain. La souffrance m'arrivait par vagues, plus violentes les unes que les autres.

L'horrible supplice ne cessait pas, au contraire, il augmentait encore et encore en intensité, mon cœur tambourinait dans ma poitrine, mon souffle saccadé était bien trop bruyant. Sans que je ne puisse l'arrêter, un cri rauque de pure détresse franchit la barrière de mes lèvres. Je ne l'entendit même pas. Les mains pressées sur mes tempes, le martyre ne s'arrêtait pas. Je ne pensais qu'une seule chose, une phrase qui n'arrangeait rien mais qui tournait en boucle dans mon esprit torturé par la douleur insurmontable : "Je veux mourir".

Soudain, au milieu du brouillard qu'avait créé la douleur dans mon crâne, je sentis une main sur mon épaule, une main chaude et douce, qui contrastait tellement avec la noirceur de mon esprit. Alors je m'accrochai à ce contact plein de vie, tentant de reprendre mes esprits. Toute mon attention focalisée sur ce touché chaleureux, je réussi, au prix d'un effort surhumain, à reprendre contrôle de mon corps torturé. Le souffle court, je parvins à renvoyer l'atroce douleur au fond de ma tête, là ou elle se tapit sagement, attendant le jour où elle pourrait enfin m'achever. Je la sentais toujours, pulsant au fond de moi comme un second cœur, bien plus désagréable mais en même temps bien plus puissant.

Petit à petit, je revins complètement à moi. Lorsque je réussi presque à oublier le choc que la douleur m'avait causé, je passai une main sur mon visage poisseux de sueur et lâchai un soupir tremblant.

Je pris ensuite pleinement conscience de la main de l'ange dans mon dos. Lentement, j'ouvris les yeux, que j'avais fermés dans l'espoir de faire ainsi diminuer la douleur, et me retournais vers la personne assise à côté de moi. Celle-ci ne fit rien et soupira seulement.

- Je t'ai déjà dit que tu devais me laisser tranquille Abariëlle. Fis-je d'une voix toujours un peu faible et sans aucune énergie.

Elle soupira longuement, avant de prendre la parole :

- C'est encore le contrecoup de l'utilisation de tes pouvoirs c'est ça ? Tu devrais arrêter d'en abuser ou au moins, au moins va voir le Chef ! Il pourra sans doute...

- Non. La coupai-je d'un ton froid. Je te l'ai déjà dit et je te le répète, je n'irai pas le voir pour si peu, et puis ce n'est pas si grave.

Elle serra les dents et trouva le courage de me répondre, une note de colère dans la voix.

- Pas si grave ? Tu as reçu de la part du Chef une résistance à la douleur remarquable ! Et pourtant, tu souffres à en mourir ! Donc arrête de dire que ce n'est pas grave ! C'est au moins la 5ème fois que ça arrive merde ! Ça devient pire chaque fois, et tu le vois bien !

Je me levai rageusement. Je ne répondis pas, conscient qu'elle avait raison. Depuis quelques mois, j'avais ce qu'Abariëlle appelait des "crises de pouvoirs". Plus j'utilisais mes capacités de démon, et plus elles étaient violentes. Chaque fois que je n'arrivais pas à sortir de ce flot de souffrance, elle était là pour m'aider. Et étrangement, ça me mettait en rogne. Pourquoi fallait-il qu'elle joue les héros dès qu'elle en avait l'occasion ? Je me débrouillais très bien tout seul !

Elle soupira, sachant très bien qu'elle ne me convaincrait pas de cette façon. Elle dit donc :

- Tâche d'être présentable, le Chef t'attend. Et fait en sorte qu'il ne te pense pas faible, il t'as déjà enlevé la mission qu'il t'avait donné il y a un an... Et je me coltine Nosferatus pour la faire le mois prochain... Grouille toi.

Je grognai en signe d'assentiment tandis qu'elle sortait de ma chambre, fermant soigneusement l'imposante porte derrière elle. En quelques pas, je gagnai la salle de bain et me positionnai devant le miroir. Les mains accrochées au rebords du lavabo, je me regardai un instant dans la glace. Pendant une minute comme hors du temps, je ne bougeait pas, tout semblait s'être arrêté. Il n'y avait plus que moi et l'image dans le miroir.

Soudainement, en dépit du bon sens, je frappai de toutes mes forces le verre qui me renvoyait cette image que je détestais tant. Immédiatement, la douleur, une douleur physique cette fois, envahit mon bras, mais je ne la sentais pas. La voix emplie de haine envers moi-même, je criai à mon reflet fracassé et taché de sang.

- Je n'ai besoin de personne bordel !

Le souffle court, je repris rapidement mes esprits, sans doute grâce au liquide poisseux qui gouttait sur le sol. Après avoir de nouveau juré contre moi-même et avoir respiré un bon coup, je commençai à enlever ma tunique, méthodiquement, pour ne pas la tacher de mon sang.

Je me déshabillai rapidement et entrai dans l'immense douche que le roi démon avait mis à ma disposition. J'ouvris le robinet d'eau, et laissai l'eau brulante ruisseler sur ma peau abimée, marquée de cicatrices anciennes. La chaleur était intense, presque insupportable, mais quand on vit en enfer, on n'a que faire de cette sensation de brûler vif.

Je poussai un long soupir avant d'avancer ma tête contre le carrelage froid de la douche. Le contraste entre les deux températures opposées m'aida à m'encrer un peu plus dans la réalité, à me préparer à effectuer une énième mission dont je n'avais pas envie.

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PDV : Nathanaël

L'excitation dans les yeux de Gabriel me fit sourire. Dans 3 semaines, se tenait la Fête du Solstice, un moment de joie et de bonheur partagé par le monde entier. Le village où nous nous étions installés avec Gabriel après avoir fui l'Archange ne faisait pas exception à la règle. Dans toute la région déjà, on parlait de cette fête emblématique qui avait lieu tous les ans depuis des siècles et des siècles. Un village sur dix dans le pays serait tiré au sort pour organiser la fête et tous les habitants alentour iraient se rejoindre dans ledit village pour danser, manger, boire, faire des sacrifices aux dieu de l'abondance ou encore s'amuser avec leur famille.

Évidemment, cette année plus que toute autre, cette fête comportait énormément de risques. Depuis le début de la saison, les attaques de démons étaient devenues de plus en plus fréquentes, ceux-ci détruisaient les villages, brûlaient les maisons et leurs habitants, et tuaient à la chaîne. Tout le pays était constamment plongé dans la peur d'une nouvelle attaque. Les gens ne sortaient plus de chez eux seuls, pas longtemps, et prenaient garde à ne pas faire de rassemblements trop importants pour ne pas attirer les monstres. Le journal n'arrangeait rien. Chaque matin, le pays était accueilli avec de mauvaises nouvelles, des démons avaient été vus ici ou là, une ville avait été prise pour cible, telle ou telle personne était morte dans une attaque. C'était désormais leur quotidien.

Alors, il était certain que la Fête attirerait des démons, et en nombre. Aussi, le comité d'organisation avait décidé d'effectuer toutes les préparations dans le plus grand secret, à l'abri des regards démoniaques. Des armes avaient été distribuées à travers tout le continent en prévision de ce jour tant attendu, et le gouvernement avait conseillé aux habitants de prendre des cours d'auto-défense. Bien sûr, contre une armée de démons volants, cela n'aurait pas vraiment un grand impact, c'est pourquoi durant toute ses années, une armée d'élite avait été formée pour tuer ces démons le plus facilement possible. On raconte qu'un démon aurait été torturé à mort pour obtenir des informations sur leurs points faibles, dans le but de parfaire les armes de l'armée... Et qu'il n'aurait jamais parlé. Les seules informations dont le gouvernement disposait provenaient des anges et de leurs propres investigations.

Ils avaient décidé de faire cette fête, et rien ne pourrait les en empêcher. Malgré la peur qu'inspiraient les démons, les habitants étaient plus déterminés que jamais a rajouter un peu de couleur dans leurs vies ternies par la peur et la souffrance.

J'avais donc promis à Gabriel que nous irions à cette fête, cela faisait plus de trois mois qu'il m'en parlait et je n'avais pas eu le cœur à lui refuser ce plaisir après les progrès impressionnant qu'il avait fait. Je n'étais pas vraiment inquiet à vrai dire. Avec les brigades anti-démons qui allaient patrouiller dans les rues et mes propres pouvoirs d'ange, je pensais pouvoir protéger Gabriel facilement.

Et comme la vie me l'a maintes fois prouvée, il faut toujours être sûr d'une chose avant de l'affirmer.

Car j'avais tort, terriblement tort. 

The angelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant