Chapitre 76

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Je n'ai pas fait deux pas que mes index composent déjà le numéro donné par Clarenz. Le stress me grignote l'estomac tandis que les chiffres s'affichent sur l'écran. Et si le cousin avait mal recopié un des numéros ? S'il m'avait donné un faux numéro, tout simplement ? Et si moi, je me trompais en le composant ? 

Après trois vérifications, je me décide à lancer l'appel. Mon ventre n'est plus qu'un remous marécageux dont la vase me remonte dans la gorge. À chaque tonalité, je me noie un peu plus dans cette bourbe. 

Le répondeur s'enclenche sur une voix lasse et cassée que je reconnais pourtant sans difficulté. Cléandre se présente d'un ton morne et sans entrain, enjoint à laisser un message, ce que je ne fais pas. Je ne veux pas qu'il se braque en sachant qui l'appelle. J'hésite à l'appeler derechef, quand les mots de Clarenz caracolent dans ma mémoire.

« Arrête de l'accuser d'avoir aussi tort que toi, tu montres juste que tu ne l'as jamais compris. »

Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il veut dire par là. Veut-il seulement protéger son cousin ? L'idéalise-t-il au point de le croire blanc comme neige ? Je serre les dents et secoue la tête : je refuse d'y repenser. 

Le passé, c'est le passé. Mes erreurs commises ne vont pas disparaître par magie et celles de Cléandre non plus. Plus tôt nous l'aurons accepté tous les deux, plus tôt nous pourrons essayer de recoller les morceaux. Que Clarenz m'ait donné le numéro de Cléandre avec si peu de réticences me redonne espoir. Si vraiment Cléandre avait été hermétique à l'idée de me reparler, le cousin m'aurait envoyé bouler.

J'essaie de rappeler Cléandre alors que je bifurque pour me diriger vers la maison de Jared ; c'est lui qui habite le plus près du lac, c'est donc chez lui que nous avons décidé de nous rejoindre avant de partir pour le feu d'artifice. Je recompose le numéro pendant que j'attends devant la porte. Et je tente une troisième fois en m'installant sur le lit de mon meilleur ami qui finit de prendre sa douche. 

Célia et Gaspard arrivent avant que notre hôte ne sorte de la salle de bain. Ils frétillent sur place, ne cessent de se jeter des regards enamourés qui me font lever les yeux au ciel.

— Si vous étiez pas déjà fiancés, j'aurai parié sur une annonce de mariage, vu vos têtes.

— On a un truc à dire, mais on attend Jared, décrète Célia avant de poser un baiser sur le joue de Gaspard. Mais je peux te dire que j'ai déjà trouvé la robe de mes rêves ! Et que tu vas devoir commencer à regarder les costumes, vu que tu vas être le témoin de Gas' !

Elle se couvre aussitôt la bouche et s'excuse auprès de son petit ami qui l'a rassure aussitôt :

— L'info est sans doute pas arrivé jusqu'à son cerveau, mais je lui en ai déjà parlé et il a même accepté !

— Hein ? Quand ? m'effaré-je alors que mes neurones refusent de coopérer.

— Quand t'as dit « OK pour t'organiser le meilleur enterrement de vie de garçon de ta life, mec ! »

Ha oui, je me souviens maintenant, en revanche, je ne vois pas pourquoi ça fait de moi le témoin du marié.

— J'espère bien que ce sera le meilleur, ce sera le seul, souffle Célia avant de s'installer dans le fauteuil de Jared. Fais pas l'idiot, Nathéo ! Le témoin doit faire en sorte que le futur marié s'amuse, pas qu'il divorce le jour même !

Je me frappe le front. Mais oui ! C'est ça ! C'est le témoin qui organise cette soirée !

— Ha, ça y est, c'est monté au cerveau. C'est bien, ça aura mis quoi... trois jours ? Quatre ? J'espère que tu as réfléchis plus efficacement pour Cléandre, s'amuse Gaspard en feuilletant des mangas.

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant