Chapitre 51

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Le cube de Clarenz cliquette entre ses doigts. Ça fait bien quinze minutes qu'il cliquette. Quinze minutes que nous attendons que son rendez-vous se pointe. Quinze minutes qui nous rapprochent dangereusement du début de la séance.

— Hey, Clary, t'es sûr de lui avoir donné la bonne heure ?

Il secoue ses boucles et braque sur moi son regard noisette.

— Je ne suis pas bête. Et elle a confirmé aussi. En plus, c'est elle qui voulait ce rendez-vous, pas moi.

Il se tait. Ses yeux se perdent sur Ava et Jared qui discutent un peu plus loin. 

Après une rencontre chaotique où mon meilleur ami s'en est pris plein la tronche, Ava s'est montrée étonnamment conciliante. Et maintenant, ils ont l'air de se connaître depuis toujours. Ils plaisantent, se montrent des vidéos délirantes sur leur téléphone... 

Ça m'agace. Moi, j'ai le droit à des regards suffisants et des soupirs exaspérés tandis que Jared a le droit à des sourires et des bourrades amicales dans l'épaule.

— Sois pas jaloux, Nath. Toi, Ava te maltraite parce que tu couches avec Cléandre. Si ton pote se tapait aussi Clé, Ava le décalquerait.

— J'aime pas trop l'idée, là, bougonné-je.

— Je suis certain que mon cousin non plus n'aime pas l'idée. C'est sur toi qu'il craque depuis le début de l'année, pas sur Jared. 

Le cube recommence à cliqueter.

— Je sais. Mais ça a été dur de lui faire dire... j'ai dû attendre... février pour qu'il change. 

— En vrai, il a commencé à changer quand tu lui as offert la boucle scorpion. Même si elle a failli finir à la poubelle, m'annonce platement Clarenz.

Je m'étouffe. 

— Excuse-moi ? Cléandre a failli jeter mon cadeau ? J'sais bien qu'on s'aimait pas, mais...

— C'est pas lui qui a jeté la boucle. Moi, je l'ai récupéré et je lui ai rendu. Parce que je trouvais qu'il était plus détendu quand il avait cette boucle. Même si ça se voyait presque pas, ça me sautait aux yeux.

— J'aime bien quand tu es bavard, Clary, mais je comprends rien à ce que tu racontes, là...

— Pas grave. Oh ! Dans le bus !

Il tend l'index si brusquement qu'il en lâche son cube. Le temps de le ramasser, le bus s'est immobilisé à l'arrêt à quelques dizaines de mètres de nous.

— Tu crois qu'elle est dedans ? murmure Clarenz, un brin anxieux.

— J'espère, sinon on va louper le début.

— Si elle est pas là, tant pis : on entre quand même, décrète-t-il.

— Tu es sûr ?

— Je suis d'accord avec lui, intervient Jared. J'ai des fourmis dans les jambes à force de piétiner, et c'est mauvais pour ta cheville.

— C'est pas faux.

— Oh...

Clarenz se tourne vers moi.

— Pardon, reprend-il, je n'y ai pas pensé. Tu veux t'asseoir ?

Je secoue la tête, amusé. Non seulement il est un peu tard pour penser à ça, mais, en plus, il n'y a pas de chaise ou de banc aux alentours.

— Bon, ton rencard. Dis-nous à quoi elle ressemble, déjà ?

Clarenz braque son attention sur le bus qui vomit ses passagers. Il semble réfléchir, comme s'il ne savait pas comment décrire sa chère et tendre.

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant