Chapitre 81.2 / FIN

89 11 3
                                    

Si nous étions dans un film, une infirmière choisirait ce moment pour sortir de la chambre. Sauf que nous ne sommes pas dans un film, et je me retrouve à ne plus oser les regarder. Surtout le père ; Clarenz, égal à lui-même, surfe sur son téléphone sans nous accorder la moindre attention. Il a dit ce qu'il avait à dire. Fin de l'histoire pour lui.

Le père, lui, ne cesse de me jeter des regards outragés. Jamais encore quelqu'un ne m'avait dévisagé avec une telle haine. Quand j'étais enfant, je confondais dévisager et défigurer. Le père de Cléandre est à deux doigts de confondre, lui aussi.

Je subis la lourdeur de la situation dix bonnes minutes avant qu'un infirmier ne vienne me sauver. Les soins à Cléandre sont finis. Il va bien, il se repose. Nous ne devons pas trop le fatiguer et si nous voyons qu'il se sent mal, nous devons immédiatement les alerter. 

Avant de me laisser entrer, le père de Cléandre me retient une dernière fois. Me conseille de ne pas faire l'idiot. De respecter son fils et chacune des décisions qu'il fera. Je suis certain que si Clarenz ne l'avait pas tiré par la manche, l'homme se serait faufilé dans la chambre en même temps que moi.

Soulagé d'être seul, je referme la porte derrière et avance à petits pas, la gorge nouée. Mes neurones se sont remis en place pendant que j'attendais. 

Cléandre n'est pas mort. Ce n'était pas une hallucination. Il n'était pas dans l'avion. Pourquoi il n'y était pas ? Je n'en sais fichtre rien, mais il n'y était pas et c'est le principal !

Mon cœur s'emballe lorsque je le découvre pâle, allongé dans son lit, la main reliée à un petit tuyau qui court jusqu'à une sorte de grosse seringue fixée sur une potence. Les paupières de Cléandre se soulèvent à demi lorsque je m'approche et tire un fauteuil pour m'installer au plus près de lui.

— Ça va ?

Il hoche la tête, se redresse avec précaution en dépit de mes protestations.

— T'en fais pas, l'antalgique agit déjà... 

Il glisse sa main valide dans ses cheveux, esquisse une grimace avant de laisser retomber son bras et de m'observer en biais. 

— Pourquoi tu es encore là ? demande-t-il avec douceur. 

La question heurte mes sentiments : c'est une telle évidence pour moi de rester à ses côtés que je n'ai pas imaginé une seconde qu'il pouvait aspirer à autre chose.

— Tu veux que je m'en aille ? Je le prendrai pas mal, tu sais ? J'ai mûri ces derniers jours, j'ai compris beaucoup de choses... tout comme je comprends que tu m'en veuilles, là. Parce que sans moi, tu serais pas là. 

Surpris, il lève les yeux sur moi. Ses doigts amorcent un mouvement vers ma main posée sur le drap avant de retomber mollement à quelques millimètres de mon index.

— Tu as totalement raison, sans toi, je ne serais pas là. 

Quand il le dit comme ça, avec cet air extrêmement sérieux, ça me fait encore plus mal. Je me détourne, honteux. 

— Je suis désolé... je suis vraiment désolé. Je sais que mes mots ne valent rien. Je sais qu'à force de dire n'importe quoi, j'ai fait perdre toute valeur à ce qui sort de ma bouche, mais... je suis réellement désolé. Pour toi. Je... je devrais y aller, peut-être, en fait...

Ses doigts encerclent mon poignet alors que je me lève pour m'enfuir.

— Ce n'est pas ce que je voulais dire, Nath... mon but n'était pas de te culpabiliser !

D'un pression, il m'invite à me rasseoir, ce que je fais avant de saisir sa main pour la cajoler dans la mienne. 

— Ce que je voulais dire, souffle-t-il, c'est que sans toi, je ne serais plus là. Plus du tout. Alors que rien de garanti que je n'aurais pas fini dans cet aéroport, même si nous étions restés ensemble. Peut-être que non, peut-être que oui...

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant