Chapitre 63

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Je dors d'un sommeil sans rêve et troublé. Je ne cesse de me réveiller, de consulter l'heure, de vérifier si Cléandre va bien. Je m'attendais à ce qu'il soit agité, lui aussi, mais non. Il ne bouge que ponctuellement, pour remonter la couverture ou se tourner.

J'ai enfin sombré profondément quand une sonnerie désagréable et métallique m'agresse les tympans. Une lumière diffuse baigne bientôt les lieux et un Cléandre bouffi de sommeil donne une tape sur un réveil rétro. 

J'avais oublié qu'il n'avait pas de smartphone, sinon, j'aurais réglé le mien pour être réveillé par une mélodie douce au lieu de ce boucan.

— Rappelle-moi de t'offrir un vrai réveil, marmonné-je tandis que mon amoureux s'extirpe du lit. C'est pas humain ce truc !

Il me répond d'un grommellement que je traduis comme « réaction amusée » et s'étire.

— Café, soupire-t-il. 

— Il est bon, il est près, mais il est pas frais ! s'exclame aussitôt une voix enthousiaste.

Sous mon regard éberlué, Servan fait irruption dans la pièce, un café fumant dans une main et un croissant dans l'autre.

— Oh, salut Nathéo, je pensais pas que tu serais déjà debout, sinon je t'aurais préparé un truc aussi ! 

— Qu'est-ce tu fous là ?

Mon ton bourru, acide même, le fait rire. Nonchalant et un brin condescendant, il m'explique qu'il est passé chercher Cléandre, ce dernier n'étant pas en mesure de conduire. Il m'agace. Il me met de mauvaise humeur. D'autant que s'il est là, ça veut dire...

— Je savais pas que Servan avait ta clef, lâché-je avec dédain.

S'il est surpris, Cléandre ne le montre pas. Il se contente de m'observer tout en sirotant son café, les yeux un poil froncés. Je me redresse, contrarié.

— Clé, tu vas pas me dire que TU es fâché alors que c'est toi qui reçois des mecs en plein milieu de la nuit ?

La bonne humeur de Servan s'évanouit. Son visage devient aussi glacial que l'hiver alors qu'il marche vers moi.

— Je ne sais pas ce que tu imagines, Nathéo, mais tu as tort. Dans tous les cas, tu as tort. Et les raisons pour lesquelles j'ai les clefs de cet appartement, celui de Gladys et non celui de Cléandre, au passage, ne te concernent pas.  Cela dit, ces raisons sont purement professionnelles et n'ont rien à voir avec notre amitié. Sur ce...

Il me fusille une dernière fois du regard avant de quitter la pièce. Cléanre, quant à lui, secoue doucement la tête.

— Qu'est-ce qu'il y a ? s'enquiert-il, sombre. 

— Rien.

— Je sais qu'il y a quelque chose, et franchement, je n'ai pas l'énergie pour régler mes problèmes et les tiens en même temps. 

Il vient déposer sa tasse sur sa table de chevet, tend le bras vers moi, mais suspend son geste alors que ses doigts frôlent mes cheveux.

— Encore un peu de temps, Nath. S'il te plaît, accorde-moi encore un peu de temps. Et même si tu n'as pas confiance, tu peux au moins croire en moi : il ne se passe rien avec Servan... ni avec qui que ce soit d'autre, d'ailleurs.

Ni qui que ce soit d'autre ? Vraiment ?

— Sauf toi, évidemment, poursuit-il alors que je me recroqueville. Tu es le seul à mes yeux et dans ma vie. Servan est un ami et une personne que je dois côtoyer pour d'autres raisons dont je n'ai pas le droit de te parler. Je n'ai jamais été intéressé par lui et je ne le serai jamais. D'accord ?

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant