Chapitre 54

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Cléandre... n'est pas là. Ma mère m'a déposé il y a presque un quart d'heure devant le Del'Asève, et Cléandre n'est pas là.

Je ferme les yeux pour inspirer profondément. Au moins, il fait beau. Ça m'aurait contrarié d'attendre sous la pluie.

J'expire. Rouvre les yeux.

Bon sang, il fait quoi ! Il ne m'a tout de même pas posé un lapin ! 

Nerveux, j'extirpe mon téléphone de ma poche, glisse l'index pour le déverrouiller et... plus de batterie. OK. Génial. Donc, si Cléandre ne vient pas, je ne peux même pas rappeler ma mère pour qu'elle vienne me chercher.

Je tourne en rond encore quelques minutes avant de m'approcher de l'entrée du karaoké, hésitant à interpeller les vigiles. Je n'ai jamais été quelqu'un de timide, seulement, ils sont particulièrement impressionnants. Et ils ont la réputation de faire barrage comme des murs. Avec la même conversation qu'une pierre. 

Bon. À la guerre comme à la guerre.

Je me racle la gorge, m'approche encore :

— Bonsoir !

L'un des deux braque deux iris marron et affûtés vers moi avant de hausser un sourcil. Je déglutis.

— Excusez-moi, j'ai rendez-vous avec un certain Cléandre Terrasève, je crois que vous le connaissez... et il n'est pas là. Je me demandais s'il était déjà à l'intérieur ?

Sans desserrer les lèvres, l'homme secoue la tête. Son collègue, en revanche... pardon, sa collègue se tourne vers moi et m'offre un sourire.

— Ha, le petit Cléandre, quel plaisir de le revoir enfin sourire ! Il n'est pas encore arrivé, mais il a réservé une table pour ce soir, en effet. 

— Dans la partie « romantique » du bar, en plus ! renchérit son homologue d'une voix étonnement fluette et cassée.

Ha, ils savent parler, finalement.

— Alors, je peux entrer, demandé-je, plein d'espoir.

— Non !

— Non.

Fin de l'espoir. Je me renfrogne, m'apprête à faire demi-tour.

— Tu n'as pas réussi à l'avoir au téléphone ? s'enquit le colosse à la voix discordante.

— Plus de batterie.

Les deux me dévisagent. Se regardent. Me dévisage encore. Puis elle lui jette un regard plus appuyé.

— Ça va, ça va, je lui passe un coup de fil, grogne-t-il, soudain nerveux avant de se tourner vers moi. Tu connais son numéro ?

Je le lui donne aussitôt. Il râle, me prie de répéter plus lentement. Refuse quand je lui propose d'emprunter son appareil pour téléphoner moi-même. Pendant qu'il attend que Cléandre réponde, sa collègue m'explique que ce sont des smartphones fournis par le bar et qu'ils ne peuvent en aucun cas s'en défaire ou prendre le risque que je m'enfuis avec.

Ils ne rigolent vraiment pas avec la sécurité. 

— Bonjour, Monsieur Terrasève ? Ici Arthur Boifendu, vigile au Del'Asève

— [...]

— Non, non, pas de problème avec votre réservation, mais plutôt avec votre rendez-vous !

— [...]

— Si ! Si, il est là, c'est juste qu'il vous attend et il s'impatiente ! Et son téléphone n'a plus de batterie...

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant