Chapitre 74

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— Au fait, vous faites quoi le 14 juillet ? Ça me dirait bien qu'on aille voir le feu d'artifice du lac tous ensemble ! 

Assise sur une chaise longue, Célia sirote une cannette de soda pendant que Gaspard tartine son dos de crème solaire. 

Pour me changer les idées, mes parents ont enfin accepté d'acheter un de ces piscines hors-sol en bois. Nous l'avons installée ce week-end avec mon père, puis mes parents m'ont proposé de faire venir mes amis pour l'inaugurer pendant qu'ils seront au travail. 

Je pioche une canette de bière dans la glacière préparée ce midi par ma mère, m'installe en tailleur sur un cousin et ouvre un paquet de chips.

— J'ai rien prévu de ma vie jusqu'à la fin des vacances, lâché-je d'un ton dramatique. Rien à part me laisser flotter au gré de la tristesse et de la confliction. 

— La quoi ? demandent mes trois amis en même temps.

— La contritude ?

— L'affliction, non ? propose Gaspard en riant. 

J'acquiesce, avale une gorgée de bière fraîche pour noyer leurs moqueries. Côtoyer Cléandre m'a fait gagner en vocabulaire. Ne plus lui parler me fait perdre en neurones. J'ai l'impression de redevenir stupide et je déteste ça. Ils organisent la soirée du 14, je suis le mouvement sans donner mon avis. Ils prévoient également plusieurs sorties sur tout le mois. Une à la piscine municipale, même si celle de mon jardin est géniale, elle ne possède pas de plongeoir (forcément...). Une sortie au parc zoologique, à quelque 45 minutes de là. Une sortie sportive à déterminer en fonction de ce que ma cheville me permettra de faire. Et bien sûr, des sorties au restaurant où dans les bars de la ville loin de la rue du Del'Asève. 

Même si je sens leurs regards inquiets sur moi, pas une fois ils n'abordent le sujet Cléandre. C'est presque devenu tabou. Ma rencontre récente avec mon ex m'a démonté le moral à un point que ma mère a appelé Jared à la rescousse.

Ma mère... a appelé Jared. Qui lui-même a téléphoné à Gaspard et Célia. Ils sont restés chez moi la soirée et toute la journée qui a suivi. Nous avons beaucoup parlé à ce moment-là. De nos erreurs, à tous. De nos mauvaises décisions. De celles de Cléandre, aussi. Célia et Jared restent persuadés que si cet « imbécile de Capuche » avait parlé, nous serions toujours ensemble. Qu'il est autant, sinon plus responsable que moi. Gaspard n'était pas d'accord, je le voyais à sa manière de secouer la tête, lèvres pincées, mais il a préféré garder le silence. 

Moi, j'ai décidé de prendre du temps seul après ça, pour me retrouver, pour y penser. Je crois que Jared et Célia ont raison : me promettre des réponses, c'était bien joli, mais pas suffisant pour entretenir la confiance. Il n'aurait pas du penser qu'à lui, il aurait du penser à moi aussi. J'aurais probablement dû penser un peu plus à lui, moi aussi, mais le problème ne venait pas de moi. C'est trop facile de tout excuser par son passé difficile. 

Je finis ma canette, plongé dans des pensées que je ressasse depuis des jours. Quand Cléandre m'a envoyé ce « c'est déjà fini », j'ai eu envie de hurler. De le rattraper. De le supplier. Je me suis forcé à rester digne, à ce moment-là, et à rentrer chez moi la tête haute. Et depuis, je ne sais pas quoi faire. Accepter cette rupture définitive, ou bien tenter de le raisonner une dernière fois ? Le Nathéo d'avant ne se poserait pas autant de questions : il foncerait tête baissée. c'est ce que j'avais fait pour séduire Cléandre en premier lieu !

Sauf que le Nathéo d'avant n'avait pas de plaies amoureuses à panser, il ne savait même pas ce qu'était vraiment un chagrin d'amour !

— Alors comme ça, tu vas vraiment laisser tomber ?

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant