Chapitre 45

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En silence, Cléandre verse le thé dans les tasses posées devant chacun d'entre nous. Je remue sur mon fauteuil, mal à l'aise. Depuis que nous sommes installés au salon, Ava et Clarenz me dévisagent. La première avec suspicion, le second avec cette étrange curiosité qui lui est propre. 

Je les aurais bien envoyé paître pour continuer notre conversation, mais Cléandre m'a fait remarquer, un peu sèchement, que si Jared débarquait à l'improviste je n'apprécierais pas qu'il se fasse virer sans avoir pu s'expliquer.

— Alors ? demande-t-il à sa tante alors qu'elle porte la tasse à ses lèvres.

— Alors tu as envoyé un SMS alarmant à Clarenz, réplique Ava d'un ton acerbe. On s'est inquiétés comme des fous, et tu sais ce que fait Clarenz quand il est inquiet, et toi tu débarques avec... lui

— T'es pas obligé de dire ça comme si tu vomissais, bougonné-je, un peu contrarié que mon amoureux ne relève pas.

— Si tu veux mon avis...

— Je le veux pas, rétorqué-je. 

— Cléandre est beaucoup trop bien pour toi, achève-elle en me jetant un regard torve. T'as pas idée de...

— Ava, stop. 

Le ton tranchant de Cléandre nous fait tous sursauter. 

— Il a une petite idée, justement, parce que pour la première fois depuis que c'est arrivé, j'en ai vraiment parlé cet après-midi. Les raisons, les circonstances 

Les yeux d'Ava s'écarquillent. Une lueur d'incertitude, de fierté et de peine mêlées voile son regard. 

— Tu... lui as tout dit. À lui.

— C'est normal, intervient Clarenz, pragmatique. Il est amoureux de lui. Et puis, il y avait aussi ses sœurs et ses parents. 

Il est amoureux de lui.

Je sais que le moment est mal choisi pour me réjouir, et pourtant, la joie explose dans mon cœur. Mon cerveau me hurle : je le savais ! Oui, c'est vrai, le doute persistait parce que jamais Cléandre ne m'a dit « Je t'aime », mais après ce qu'il a dévoilé sur Kaname cet après-midi, je comprends pourquoi. Oui, je comprends enfin pourquoi Cléandre est si frileux à vouloir se mettre en couple, à avouer ses sentiments... à se montrer.

Mais même si je comprends, je mesure à peine la profondeur de la brisure en lui. 

— Je sais, mais...

Les yeux rivés sur Cléandre, je n'écoute pas la fin de la protestation d'Ava. Les joues de mon amoureux ont pris une délicieuse teinte rose, et il triture le scorpion à son oreille en évitant de croiser mon regard.

Il est amoureux de lui. 

 Aurait-il pu dire quelque chose à Clarenz à mon propos ? Question idiote, évidemment qu'il parle de moi à Clarenz, puis que son cousin est comme son meilleur ami. 

— Nathéo ?

En entendant la voix chaude et un peu tremblante, je me ressaisis aussitôt.

— Je n'ai pas la forcé de leur répéter... tout ça. Tu veux bien le faire pour moi ?

— Ce serait pas mieux si... commencé-je avant de m'interrompre.

Pas mieux s'il le faisait lui-même ? Non, mais Nathéo, à quoi tu penses ?! Si Cléandre voulait le faire lui-même, il le ferait, il ne s'encombrerait pas à me demander. 

— S'il te plaît ?

Le ton un peu suppliant me serre le cœur.

— Ouais, t'inquiète. Je vais te montrer que tu peux compter sur moi !

Indéchiffrable CléandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant