Sweet Tooth

20 - Anniversaire sur le sable

Today I will wear my white button-down

I'm tired of wanting more

I think I'm finally worn

For you have a way of promising things

And I've been a forest fire.

Mitski – A burning hill

* * *

Quand je suis descendue vers la plage, la digue et le bord de mer étaient noirs d'une foule désordonnée. Surchargés, les cafés et les restaurants, bondés aussi les transats disposés sous les parasols bleus ! Derrière mes lunettes de soleil, j'ai plissé les yeux à la recherche d'Iris et Rosalya. Je ne savais même pas, en fait, si elles étaient déjà là. J'ai décidé d'aller m'asseoir à quelques pas de là, sur un muret, histoire de les attendre ; partir à leur recherche au milieu de tout ce monde ne me tentait pas vraiment.

Les vacances d'été avaient commencé à peine quinze jours plus tôt, et on aurait dit que la ville entière, semée ça et là de bandes de touristes, avait envahi la plage. C'étaient des enfants qui piaillaient et couraient n'importe où, y compris sur les serviettes, des groupes de lycéens et des couples, un nombre incalculable de couples et de familles venus célébrer la chaleur atroce de la journée en se carbonisant directement sous le soleil. Moi, j'adorais la plage, bien sûr, mais le monde et le bruit, un peu moins.

" Coucou ! "

Deux mains fermes ont agrippé mes épaules et j'ai fait volte-face. C'était Iris qui, déjà en maillot, me sautait plus ou moins dans les bras comme si nous ne nous étions pas vues depuis dix ans. Rosalya la suivait de quelques pas et m'a gratifiée de la même étreinte en me  souhaitant un joyeux anniversaire. En les voyant toutes les deux, j'ai réalisé à quel point deux petites semaines sans elles avaient suffi pour qu'elles me manquent.

" On s'est installées là-bas, a dit Rosalya en désignant deux serviettes et leurs sacs de plages assortis quelques mètres plus loin, il y a moins de monde et on est près de l'eau. "

Elle m'a prise par la taille pour m'entraîner sur la plage tandis que je glissais mon bras sous celui d'Iris. Une fois arrivée, j'ai posé mon sac et retiré mes sandales pour apprécier le contact chaud, doux et lisse du sable fin sous mes pieds. J'ai eu envie d'y enfoncer mes orteils et de rester là, à demi enfouie, mais Rosalya m'a pressée de retirer ma robe.

" J'ai envie d'aller dans l'eau tout de suite, a-t-elle déclaré, ça fait un quart d'heure qu'on t'attend ! "

Tout comme Iris, dont le maillot bleu orné d'un ruban rose soulignait la finesse des épaules, Rosalya avait troqué ses vêtements de ville contre un une-pièce violet, largement échancré jusque sous son nombril et lacé sur le devant comme pour accentuer la peau blanche de sa poitrine et de son ventre. Je les ai trouvées toutes deux extrêmement belles, au point où mon bikini à breloques semblait, à côté, carrément cheap. Alors que je me déshabillais, Iris m'a tendu un tube de crème solaire, ce dont je lui étais reconnaissante : j'avais complètement oublié la mienne sur mon bureau.

" Bon, alors, quoi de prévu ce soir ? " a demandé Rosalya " Une grosse fête ? Une sortie en boîte ?

- Juste un resto avec mes parents... et d'ailleurs comment ça une sortie en boîte ? J'ai dix-sept ans, je te rappelle !

- Oh, franchement, à un an près ! "

Elle m'a fait un sourire d'apparence innocente mais si lourd de sous-entendu que j'en suis venue à me demander si elle me cachait des choses. Iris s'est contentée de rire, visiblement un peu surprise aussi par cette suggestion bizarre. Puis, quand nous avons été prêtes, nous avons abandonné nos affaires pour aller nous baigner. Avec la marée montante, nous avions de l'eau jusqu'à la taille. Je suis entrée dans la mer à petits pas prudents, m'arrêtant sans cesse pour me mouiller la nuque et les bras, exactement comme mon père m'avait appris quand j'étais petite – Tu dois absolument entrer lentement dans l'eau et bien te mouiller le corps si tu veux te baigner en toute sécurité – tandis qu'Iris, d'un coup de pied, s'élançait au loin pour faire quelques brasses. Rosalya, qui la trouvait froide, restait en arrière.