25 - Où j'ai eu l'idée du siècle

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Quand j'ai ouvert les yeux ce matin-là, j'ai eu l'impression d'avoir le poids du monde posé sur tout mon corps.

Ma tête était prise dans un étau et ma gorge plus sèche que le Sahara. Quand j'ai essayé d'avaler ma salive, elle s'est mise à brûler si fort que j'ai fait la grimace. Impossible d'inhaler par le nez : il était tellement bouché que l'air ne pouvait plus passer. J'ai tenté de me lever et tout s'est mis à tourner autour de moi ; et je suis retombée mollement contre mon oreiller.

" Liv ? " La voix de mon père, précédée de trois coups frappés à ma porte, s'est élevée depuis le couloir. " Dépêche-toi, tu vas être en retard. "

Mais je n'ai pu que geindre faiblement tandis qu'il entrait dans une lumière crue et traversait la chambre pour poser sa main sur mon front.

" Mais tu bous ! Tu fais de la fièvre ? Tu as mal quelque part ? "

Et, sans attendre ma réponse, il s'est empressé de quitter la pièce pour revenir avec un thermomètre qu'il a braqué sur mon front. Je faisais trente-huit deux.

" J'ai mal à la gorge, ai-je marmonné, j'ai soif.

- Je me disais bien que tu étais pâle, hier soir. " Il a secoué la tête avant de partir à la recherche de ma mère. " Tu restes à la maison, aujourd'hui. Et moi aussi, d'ailleurs. "

Je n'ai pas protesté. Je n'étais jamais contre manquer un jour de cours quelles que soient les circonstances, mais là, j'aurais été de toute façon incapable de me lever, m'habiller et faire semblant d'être attentive. Au loin, j'ai entendu mes parents discuter et mon père annoncer qu'il allait prendre sa journée pour s'occuper de moi. Ma mère l'a trouvé excessif et a dit que j'étais assez grande pour rester seule, mais il n'en était pas question.

" Imagine si elle fait un malaise ou qu'elle a un problème.

- Tu la couves trop, Philippe.

- Je suis son père, c'est mon rôle. "

Donc, elle est partie toute seule après m'avoir embrassée tandis qu'il appelait son travail en prévenant qu'il ne viendrait pas. Moi, je me sentais déjà un peu mieux à la perspective de ne pas aller au lycée.

J'ai passé la majeure partie de la matinée à balancer entre un sommeil agité et de courts réveils durant lesquels je me demandais si je n'étais pas à moitié en train d'halluciner. J'avais l'impression que des gens peuplaient ma chambre : Kentin, perché sur mon bureau, avalait des biscuits l'un après l'autre tandis que Madame Shermansky me hurlait de rattraper Kiki, qui s'était caché sous mon lit. Quand Castiel et Rosalya se sont mis à faire du trampoline sur le matelas en me traitant de planche à pain, je me suis dit que je nageais en plein délire.

Puis mon père m'a amené du paracétamol et une tasse de chocolat chaud à la clémentine confite, et j'ai commencé à me sentir mieux.

Vers treize ou quatorze heures, j'étais assez en forme pour me lever et échouer sur le canapé, enveloppée dans un plaid. Mon père a proposé de me cuisiner quelque chose mais je n'avais pas faim, et je suis restée affalée à regarder des dessins animés et boire du chocolat, comme quand j'avais six ans.

Pas mal de monde s'était inquiété de mon absence. Iris et Rosalya m'avaient chacune envoyé un message, et Kentin avait essayé de m'appeler deux fois.Melody avait proposé de m'apporter les cours en fin de journée pour que je puisse les rattraper pendant le week-end, ce dont je lui étais reconnaissante. Seul le silence radio de Nathaniel m'a fait bizarre ; mais après tout, il était plus que probable qu'on lui ait déjà dit que j'étais malade.

J'espère qu'il pourra me pardonner pour ce que j'ai fait hier...

Mon père s'est absenté un quart d'heure et est revenu avec un sac de pharmacie rempli de pastilles pour la gorge et d'un gel à l'eucalyptus qui m'a instantanément débouché les narines. À partir de là, j'étais à peu près capable de fonctionner normalement : la tête ne me lançait plus autant et les hallucinations du matin avaient complètement disparu.

Sweet ToothOù les histoires vivent. Découvrez maintenant