6 - Comment rater ses examens

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Dix jours se sont écoulés sans que Ken revienne.

Il avait fallu attendre quarante-huit heures avant que son nez dégonfle et qu'on sache s'il allait falloir l'opérer ou non. Ambre lui avait complètement dévié la cloison nasale au point qu'il lui était impossible de respirer autrement que par la bouche et le simple fait de porter des lunettes était trop douloureux. Le lendemain de son opération, j'ai reçu de lui une photo sur laquelle il affichait un plâtre énorme qui lui mangeait une partie du visage ainsi qu'une belle ecchymose violacée sous l'œil gauche.

Je ne manquais pas de relayer ces nouvelles au reste de la classe, en particulier si Ambre se trouvait dans les parages. Au début, elle avait eu la bonne grâce de se faire discrète et d'arborer une moue qui, chez elle, pouvait très vaguement passer pour un air un peu coupable. Mais ses remords ont été de courte durée : bien vite, elle a repris ses moqueries habituelles, soutenue par Li et Charlotte qui avaient l'air de n'avoir jamais entendu le mot " compassion " de leur vie.

" Ah, super, la gazette du binoclard, raillait-elle lorsqu'elle m'entendait raconter à Iris, Kim et Rosalya les dernières nouvelles que j'avais de Ken, ton petit copain te manque à ce point ? Tu veux pas quitter ce lycée pour aller le retrouver ? "

Je me contentais de lui rétorquer de la fermer, conseil avisé qu'elle ne se décidait jamais à appliquer. Pour une fois, Nathaniel non plus n'avait pas l'air de son côté. Sans oser se montrer ouvertement hostile, il lui lançait dans ces moments un regard mais glacé... au point qu'elle finissait par avoir l'air un peu mal à l'aise. Je ne pouvais m'empêcher de me demander comment ça se passait entre eux, à la maison. À force de fourrer mon nez partout, j'avais appris qu'Ambre avait échappé de justesse à une exclusion temporaire – le tout grâce à son cher frère, bien entendu – et que sa punition s'était bornée à quelques heures de colle en veille de week-end. Qu'elle s'en tire avec si peu de conséquences me faisait enrager : ça valait bien la peine de harceler Castiel pour une histoire d'absences si c'était pour faire preuve d'un tel favoritisme.

Iris, comme moi, paraissait souffrir de la situation. Toute sa gentillesse ne suffisait pas à pardonner le comportement d'Ambre et, je le sentais, l'absence de notre ami était un poids pour elle aussi. Les premiers jours, nous ne parlions pratiquement que de lui ; et puis à force de ressasser les mêmes phrases, les mêmes pensées, les mêmes inquiétudes, nous n'avons fini par ne plus nous poser qu'une question : quand est-ce qu'il reviendrait ?

Lorsqu'on l'interrogeait sur le sujet, les messages de Ken se faisaient subitement très vagues : bientôt, pas tout de suite, dans quelques temps... c'était à croire que lui-même n'avait aucune idée de l'avancée de sa guérison. Et dix jours entiers se sont écoulés sans qu'on ait aucune idée du moment où il referait son apparition.

Ce que nous ignorions, alors, c'est que nous n'étions pas près de le revoir.


* * *


Les vacances approchaient à grands pas, et avec eux une flopée d'examens censés nous donner une première idée de la moyenne du trimestre. Comme tout le monde, j'avais passé la semaine à réviser avec toute l'assiduité dont j'étais capable. Les maths et la physique étaient ce qui me donnait le plus de fil à retordre : j'avais beau y passer au moins une heure tous les jours, impossible de faire rentrer dans mon crâne les formules, théorèmes et autres équations bizarres que j'étais supposée pouvoir recracher par cœur. Iris était à peu près dans le même cas que moi, ce qui faisait d'elle un excellent soutien pour le moral mais une piètre partenaire de révisions.

Le jour fatidique de l'examen de maths, j'avais une boule si énorme dans l'estomac que je n'ai rien pu avaler au petit-déjeuner. Vu l'appétit habituel que j'avais, mes parents n'ont pas manqué de s'inquiéter.

Sweet ToothOù les histoires vivent. Découvrez maintenant