Sweet Tooth

28 - Lovers under the moon

Le mercredi qui marquait le troisième jour d'absence de Nathaniel, j'avais enfin mis au point un plan.

Que le délégué principal, toujours si ponctuel et studieux, puisse manquer plus d'une journée de cours avait surpris tout le monde. L'explication la plus logique, bien sûr, était qu'il devait être malade, mais la seule à pouvoir le confirmer était Ambre, et personne n'avait particulièrement envie de lui adresser la parole. Moi, j'avais une autre hypothèse ; mais évidemment, je ne pouvais pas en parler.

J'avais passé plusieurs nuits blanches à retourner le problème dans ma tête en me demandant ce que j'étais censée faire. J'aurais voulu tout révéler à quelqu'un, mes parents ou un ami, mais je n'osais pas, par peur de sonner une fausse alarme ou pire, d'attirer davantage d'ennuis à Nathaniel. La solution, quand je l'avais enfin trouvée, m'était apparue à la fois simple et terriblement compliquée. Pour confirmer mes soupçons, il allait falloir m'introduire chez lui.

Enfin... "m'introduire"... disons plutôt que je vais me faire inviter.

Voilà pour la partie compliquée. Puisque je ne connaissais pas l'adresse de Nathaniel, je pouvais difficilement débarquer chez lui – et rien ne me garantissait que j'apprendrais quoi que ce soit en restant seulement une heure ou deux, le temps de lui porter ses devoirs. Pire encore : je ne pouvais même pas lui demander de m'inviter à dormir. Je n'étais pas proche de lui comme j'étais proche de Kentin, et puis Nathaniel n'était pas une fille : quand on a dix-sept ans, on ne demande pas à n'importe quel garçon, même si on l'apprécie, si on peut aller dormir chez lui ; ça ne se fait tout simplement pas. Donc, il ne me restait qu'un seul ticket d'entrée.

" Bonjour à tous, a dit Monsieur Boris en nous accueillant dans le gymnase, j'espère que vous êtes en forme et motivés ce matin ! "

En forme et motivés avant un cours de sport ? J'ai jeté un coup d'œil autour de moi. Seuls Kim et Kentin paraissaient enthousiastes. À la queue du groupe, j'ai remarqué qu'Ambre, pour une fois, ne ricanait pas avec ses copines mais se tenait de côté, un peu pâle et les mains fourrées dans les poches de sa veste. Est-ce que ce qui se passait chez elle l'affectait également ?

" Aujourd'hui, nous allons poursuivre les entraînements de basket ! " a repris Monsieur Boris " Il ne nous reste que quelques séances avant l'examen, et je compte sur vous pour donner le meilleur de vous-mêmes ! "

Il nous a ensuite répartis en deux équipes, l'une portant des chasubles et l'autre rien du tout. Avec ma chance habituelle, je me suis retrouvée avec les chasubles puant la transpiration. Je m'apprêtais à suivre mes coéquipiers en traînant les pieds quand j'ai aperçu Ambre, toujours pâle et toute seule, s'approcher du prof à pas lents.

" Monsieur, a-t-elle dit à voix basse, si bien que j'ai dû m'approcher pour écouter, je peux pas participer au cours... je suis... je suis indisposée.

- Oh, je vois ! " Monsieur Boris oscillait entre la gêne et la compassion. " Dans ce cas, vous n'avez qu'à assister à la séance depuis les gradins et encourager vos camarades ! "

Voilà pourquoi elle était si blanche ! Elle est allée s'asseoir en se tenant le ventre, comme si elle s'apprêtait à exploser, et j'ai réalisé que l'Univers venait de m'envoyer la chance de ma vie. À mon tour, je me suis approchée du prof.

C'est maintenant oujamais !

" Excusez-moi, ai-je bredouillé, en fait je peux pas jouer non plus parce que... enfin... moi aussi je... j'ai mes règles... "

J'ai levé les yeux en me demandant si mon mensonge pouvait se lire sur mon visage. Monsieur Boris, heureusement, faisait partie de cette génération d'hommes qui ignorent absolument tout sur les règles – ou les femmes en général – et évitent de poser trop de questions.