24 - Sur la crique

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And if you have a minute why don't we go

Talk about it somewhere only we know ?

This could be the end of everything

So why don't we go somewhere only we know ?

Keane– Somewhere only we know



* * *


" C'est inadmissible ! Tout bonnement inadmissible ! "

Le lendemain du fiasco qu'avait été la course d'orientation, Madame Shermansky nous avait convoqués dans son bureau, Nathaniel et moi, afin d'avoir – je cite – une petite discussion sur ces derniers événements fâcheux. Comprenez par là : une engueulade si forte qu'elle devait nous faire regretter d'être venus au monde.

" Faire la course sans carte au lieu de réclamer l'aide d'un professeur ! A-t-on jamais vu plus irresponsable ? Les conséquences auraient pu être dramatiques ! "

La veille, trop heureuse de nous avoir retrouvés en un seul morceau, elle s'était contentée de passer ses nerfs sur Monsieur Faraize, tant et si bien qu'il avait eu l'air, à la fin, prêt à pleurer et donner sa démission. Moi, j'espérais qu'elle s'en tienne là et même – on pouvait toujours rêver – qu'elle oublie qu'elle nous avait promis un savon à la seconde où nous étions sortis de la forêt. Malheureusement, Madame Shermansky avait la mémoire longue quand il s'agissait de faire passer un sale quart d'heure à quelqu'un.

" ... une inconscience absolument inacceptable ! Si votre camarade ne vous avait pas retrouvés, je ne sais pas ce qui serait arrivé ! Un tel manque de discernement m'étonne, surtout de votre part, Monsieur Nathaniel ! "

Assis bien droit sur le siège à côté du mien, Nathaniel avait sur ses cuisses les poings tellement serrés que ses jointures étaient devenues blanches. Je me doutais qu'il ne devait pas avoir l'habitude d'être réprimandé. Vu la pâleur de son teint et la grosseur de ses cernes, son retour à la maison, la veille, avait dû compter aussi sa part de hurlements.

" Vous mériteriez tous deux une retenue, ou même pire, un renvoi de quelques jours pour vous remettre les idées en place ! "

Il a pincé les lèvres si fort que sa bouche ne formait plus qu'une ligne mince sur son visage. On aurait dit que la directrice venait d'annoncer son arrêt de mort – ce qui était peut-être le cas avec des parents comme les siens. Alors, pour lui éviter les problèmes, j'ai bondi de mon siège.

" Nathaniel n'y est pour rien, c'est entièrement ma faute ! J'ai insisté pour faire la course alors qu'il voulait arrêter !

- Ne dis pas de bêtises ! " a-t-il répliqué en me forçant à me rasseoir " Je voulais à tout prix gagner, et...

- Je ne veux rien savoir ! "

Madame Shermansky a hurlé si fort que j'ai failli faire une crise cardiaque et que son chien, qui dormait dans son panier, s'est enfui sur ses courtes pattes pour se cacher sous une armoire.

" Vous êtes tous deux aussi coupables l'un que l'autre ! Estimez-vous heureux que les conséquences de votre inconscience aient été seulement quelques écorchures et une grosse frayeur ! "

Puis elle a ajouté que si elle ne nous collait pas, c'était uniquement parce qu'elle estimait que la peur que nous avions eue devait nous avoir servi de leçon. J'ai laissé échapper un soupir soulagé. Même si mes parents avaient eu l'air de tenir le lycée pour responsable, et non pas moi, une punition aurait forcément été assez mal accueillie.

Sweet ToothOù les histoires vivent. Découvrez maintenant