Sweet Tooth

18 - Conversation autour d'une machine

" Nathaniel, parle-moi ! Comment tu t'es fait ça ?

- ...

- Explique-moi, dis-moi ! Ces choses sur tes bras...

- Tais-toi. "

Ces mots, proférés d'une voix si basse qu'ils sont presque inaudibles, me frappent en plein cœur. Jamais il n'a été si glacial. Sur son visage blanc comme un linge, toute trace d'émotion semble avoir disparu.

" Écoute-moi...

- Je t'ai dit de te taire ! Laisse-moi tranquille ! "

J'ai ouvert les yeux d'un coup, le corps secoué d'un sursaut. La voix de Nathaniel résonnait encore dans mon esprit alors même qu'un silence lourd et trop paisible lui avait succédé. Sous mon corps, je sentais le soutien moelleux d'un matelas, et les guirlandes au-dessus de ma tête balançaient nonchalamment au gré de la brise qui s'engouffrait par l'entrebâillement de ma fenêtre. Dans ma chambre. Je suis dans ma chambre.

Je me suis assise sur mon lit, le cœur alourdi par le cauchemar que je venais de faire. J'étais en nage, au point où je me demandais si c'était la chaleur étouffante de ma chambre ou mon sommeil agité qui me faisait cet effet. Je me suis frotté les yeux avant de tourner la tête vers mon réveil. Sept heures du matin. Largement temps de me lever.

Je me suis étirée longuement avant de partir en quête de mes pantoufles. Cela fait, j'ai traversé la pièce pour ouvrir en grand la fenêtre et laisser entrer le jour. Les rayons éclatants ont en partie chassé les troubles de la nuit sans pour autant anéantir tout à fait mon malaise. Restait en moi comme un fond d'angoisse, l'attente anxieuse d'une catastrophe imminente. J'ai porté la main à ma bouche et entrepris de me ronger l'ongle du pouce. Dehors, les arbres feuillus agitaient leurs branches d'un air réprobateur. Pourquoi est-ce que tu persistes à faire encore ce rêve ? Comme eux, j'ai secoué la tête en espérant chasser mon trouble. Il était temps de chasser ces pensées de ma tête

Après tout, cela remontait à près de deux semaines.

" Bonjour chérie, a dit ma mère lorsque je suis descendue pour le petit-déjeuner, bien dormi ?

- B'jour... , ai-je marmonné avant de m'affaler sur une chaise. "

Mon père m'a jeté un coup d'œil par-dessus son journal. " Hé ben, quelqu'un s'est levé du pied gauche, aujourd'hui ! "

Je me suis servie dans le paquet de céréales que ma mère venait de poser devant moi et ai arrosé le tout de lait. Quand j'ai plongé ma cuillère dans le bol, j'ai eu l'impression de voir flou. J'ai encore la tête dans le brouillard, moi.

Même en quittant ma chambre et en m'efforçant de reproduire les gestes du quotidien, mon malaise ne me quittait pas. La voix de Nathaniel avait toujours un écho au fond de mon esprit, et au sourire bienveillant de mes parents se superposait l'image de ses bras lacérés de coups. Une vision qui, presque chaque nuit, continuait de me hanter. Fort heureusement, l'air distrait et fermé que j'arborais n'a pas paru inquiéter mon père ni ma mère : personne n'est vraiment de bonne humeur le matin, surtout un jour de cours.

" Bon, je file, a dit ma mère après avoir consulté l'horloge de la cuisine, je vais être en retard.

- Je te suis, chérie. " Mon père a reposé son journal et s'est levé. " Passe une bonne journée, Liv. À ce soir. "

* * *

" Dis, on se met ensemble, en badminton ? "