15 - Le langage de l'amour

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Comme les garçons et les filles de mon âge connaîtrai-je bientôt ce qu'est l'amour ?

Comme les garçons et les filles de mon âge je me demande quand viendra le jour

Où les yeux dans ses yeux

Et la main dans sa main

J'aurai le cœur heureux

Sans peur du lendemain

Le jour où je n'aurai plus du tout l'âme en peine

Le jour où, moi aussi, j'aurai quelqu'un qui m'aime.


Françoise Hardy – Tous les garçons et les filles


Je suis restée bloquée devant l'écran de mon ordinateur pendant au moins cinq minutes.

Je me suis frotté les yeux et ai vérifié plusieurs fois le pseudo et la date d'envoi des messages. Pas de doute, c'était bien Ken. Qui m'écrivait enfin, après deux interminables mois de silence.

Je suis un entraînement hyper intense et je vois pas le temps passer !

Est-ce que c'était pour ça qu'il avait mis tout ce temps à lire mes messages? Qu'il n'avait pas pensé une seule fois à me donner de ses nouvelles ? Et d'ailleurs, est-ce qu'on pouvait vraiment appeler nouvelles ces cinq lignes qui ne m'apprenaient rien sur l'endroit où il se trouvait, ce qu'il faisait et s'il allait bien ?

Quoi de neuf ? disait-il, comme si nous nous étions quittés la veille. Quoi de neuf, comme si mon dernier message à moi n'était pas un cri d'angoisse, la crainte tout à coup qu'il ait mis fin à notre amitié.

J'ai suspendu les doigts au-dessus de mon clavier, pleine d'hésitation. Qu'est-ce que j'étais censée lui répondre, au juste ? Je ne savais même pas démêler tout ce que son message me procurait – un mélange de soulagement de le savoir a priori en forme, de colère et de perplexité. Que faire ? Lui répondre sur le même ton comme si de rien n'était et prier pour que, cette fois, il ne mette pas trente ans à m'écrire ? Ou au contraire lui demander des explications ?

" Coucou ! " a fait mon père en passant la tête dans l'entrebâillement de la porte " Encore sur ce machin ? Tu ne veux pas sortir un peu et prendre l'air ?

- Je reviens juste du lycée, lui ai-je rappelé.

- Ah oui, c'est vrai. "

Il s'est permis d'entrer et s'est assis sur mon lit. J'ai refermé mon ordinateur pour qu'il ne voie pas ce que je faisais et ai fait pivoter ma chaise de bureau. Je l'ai regarder scanner des yeux chaque élément de ma chambre et s'arrêter sur ma commode.

" C'est nouveau ça, a-t-il fait en désignant la bougie et l'ours en peluche.

- Pas vraiment. J'ai acheté la bougie quand je suis sortie avec Rosa. L'ours, ça date d'avant.

- Ah bon ? Au moins, tu ne peux pas dire que je fouille dans tes affaires. "

J'ai souri sans répondre. Mon père s'est tourné vers moi et m'a soudain trouvé une petite mine. Il a voulu savoir s'il s'était passé quelque chose au lycée.

" Hein ? Mais non, ai-je bredouillé, je suis un peu fatiguée, c'est tout.

- Tu es sûre ? Tu peux nous en parler, tu sais.

Sweet ToothOù les histoires vivent. Découvrez maintenant