12 - La voie de la célébrité

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Nathaniel ne m'a pas lâché la main de tout le trajet.

C'était un peu étrange de sentir ses doigts entrelacer les miens. Sa peau froide était lisse et douce, un peu sèche par endroits. Il me tenait fermement – pas au point de me faire mal, mais assez pour avoir l'air de dire " je suis là et je ne te lâche pas ".

J'ai été prise de court par ce geste auquel je ne m'attendais pas. Mon premier réflexe a été de vouloir retirer ma main. Je n'ai pas pu ; peut-être à cause de la fermeté de sa poigne, ou parce que j'avais peur de paraître impolie si je le faisais, ou bien peut-être parce que ce geste, alors qu'il me raccompagnait chez moi, avait quelque chose de chevaleresque. Alors je suis restée là, toute raide avec la main ballante, tandis que son pouce parcourait les lignes de ma paume.

D'abord, nous avons marché en silence. C'était à moi de le guider puisqu'il ne pouvait évidemment pas connaître le chemin de chez moi. Puis il est devenu plus bavard : son secret à présent révélé, il devait me considérer comme une espèce de récipient dans lequel déverser tout ce qu'il avait retenu. Quand j'ai mentionné ma première trouvaille – les morceaux de plastique et les mégots de cigarette – il ne s'est pas fait prier pour m'expliquer de quoi il s'agissait. J'ai appris que les débris étaient en fait les reste du boîtier d'un CD que Lysandre avait cassé. Quant aux mégots, ils ne pouvaient appartenir qu'à Castiel.

" Celui-là, il va m'entendre, a-t-il grommelé, qu'il m'ait volé les clés c'est une chose, mais si en plus il se met à fumer dans l'enceinte du lycée, on risque d'avoir de sérieux problèmes. "

Au fond, j'étais un peu déçue de ne pas pouvoir raconter ce que j'avais découvert. J'aurais adoré clouer le bec d'Ambre et de tous ceux qui pensaient que j'avais des hallucinations ; mais j'avais promis de me taire. Je resterais à jamais la folle qui croit aux fantômes. Nathaniel a suggéré de continuer à propager la rumeur histoire d'en faire une légende urbaine, et j'ai éclaté de rire.

" Il faudrait construire une légende bien sombre, a-t-il dit, histoire de dissuader les curieux de trop s'approcher.

- Au contraire, plus ça fait peur, plus ça attire le monde.

- Qu'est-ce que tu proposes, alors ? "

J'ai réfléchi une seconde.

" Il était une fois un prof qui était très en retard pour son premier cours. "

Nathaniel a souri et j'ai enchaîné : " Il s'est mis à courir en entendant la sonnerie et s'apprêtait à dévaler les escaliers.

- Malheureusement, il n'a pas vu la bombe de peinture qui traînait là, oubliée par une certaine Liv Darcy de Première A.

- C'est faux ! J'ai rendu la bombe à Madame Shermansky.

- Bon, d'accord. Et ensuite ?

- Ensuite, ai-je repris, il a glissé dessus et a dégringolé jusqu'au pied des escaliers.

- Ça a dû faire mal.

- Oh que oui, et depuis, son fantôme hante les lieux à la recherche d'élèves qui s'amusent à taguer la cage d'escaliers. Fin. "

Nathaniel a éclaté de rire et j'ai senti ses doigts enserrer un peu plus les miens. J'ai éprouvé comme un pincement au cœur et je me suis concentrée sur les pas que je faisais. Un, deux. Un, deux. Gauche, droite, gauche, droite. Puisque le parc était fermé à cette heure-ci, nous n'avions pas d'autre choix que de faire le tour par les rues, ce qui allongeait notre marche de cinq bonnes minutes. Quand enfin nous sommes arrivés à l'angle de ma rue, j'ai lâché sa main en même temps que je lui annonçais la fin du trajet.

Sweet ToothOù les histoires vivent. Découvrez maintenant