36 - Entre feu et glace

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Freya

Nous avons pris la route ce matin en direction de la taverne de Dahlia. Raymondin avait pour objectif de retrouver Rocs, un vieil ami avec qui il avait partagé bien des batailles. Moi aussi, j'avais été proche de Rocs, mais aujourd'hui, je me sentais étrangère, comme une ombre de cette époque révolue.

La route était longue et rude, surtout à pied. Depuis que j'avais perdu mon dragon lors de la dernière guerre, chaque pas résonnait comme un rappel de cette perte, un écho douloureux dans le silence pesant. Raymondin marchait à mes côtés, silencieux, concentré, et pourtant, je pouvais sentir son regard se poser sur moi à plusieurs reprises, comme s'il cherchait à percer les pensées que je tentais de masquer derrière une expression indifférente.

Notre première nuit s'est déroulée dans une auberge à Aviris, où les habitants, chaleureux et accueillants, ont facilité notre passage. Mais dès le lendemain, à Perpices, la situation se compliqua. Ici, les regards étaient plus méfiants, les portes plus difficilement ouvertes, et chaque refus d'auberge resserrait un peu plus l'étau autour de mon cœur.

Alors que nous avancions dans une ruelle sombre, peu fréquentée et encore moins recommandable, Raymondin rompit enfin le silence. Son ton était grave, empreint d'une sincérité désarmante.

– Petite fleur, la prochaine auberge va demander toute seule.

Je m'arrêtai, surprise par ses mots. La tension entre nous était palpable, comme une corde tendue, prête à rompre à tout moment.

– Pourquoi ? Nous sommes deux aux dernières nouvelles.

Raymondin soupira, son regard se durcissant alors qu'il balaya les environs, méfiant des trois hommes aux tatouages qui traînaient dans l'ombre. Pourtant, malgré leur apparence menaçante, je n'avais pas peur. Ce n'étaient pas eux qui troublaient mes pensées, mais cet homme à mes côtés, ce chevalier au passé torturé.

– C'est à cause de moi que nous ne trouvons pas d'auberge, m'avoue-t-il, vas-y toute seul et demande une chambre avec un lit double, je dormirai par terre.

Il baissa les yeux, et dans ce geste, je vis toute la culpabilité qui pesait sur ses épaules. Je protestai, mais il insista, me poussant doucement vers l'entrée de l'auberge. L'idée de me séparer de lui, même pour un court instant, fit naître en moi une angoisse sourde, que je ne parvenais pas à comprendre.

L'auberge était modeste, à l'image de la ville, et la femme à l'accueil me jaugea d'un regard scrutateur avant de me tendre un trousseau de clés sans un mot. Lorsque je montai à l'étage et pénétrai dans la chambre, je fus soulagée de voir deux lits doubles, chacun recouvert d'une couverture épaisse et chaleureuse. Au moins, cette nuit serait confortable.

Raymondin me rejoignit quelques minutes plus tard, un air fatigué sur le visage. Je lui indiquai les deux lits, espérant que cela allégerait un peu l'atmosphère pesante.

– Tu vois, deux lits. Nous n'aurons pas à nous disputer cette fois, dis-je avec un sourire léger, tentant de détendre l'atmosphère.

Il hocha la tête, mais quelque chose dans son regard me troubla. Il paraissait distrait, comme si une pensée l'obsédait. Tandis que je me changeais pour la nuit, il resta immobile, contemplant l'un des lits d'un air absent.

Je me glissai finalement dans un des lits, l'esprit encore agité par la journée passée. Raymondin, après un moment, fit de même, mais l'inconfort était palpable. Le silence s'étira, pesant, jusqu'à ce que je l'entende se tourner et se retourner, visiblement incapable de trouver le sommeil.

– Freya, murmura-t-il soudainement, sa voix douce, mais teintée d'une inquiétude que je ne lui connaissais pas. Je crois que je n'arriverai pas à dormir seul ce soir.

Les secrets du royaume [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant